Titre professionnel ECSR : premiers retours sur expérience

01/09/2017 Formations/Examens
Formations/Examens Titre professionnel ECSR  : premiers retours sur expérience

Exit le Bepecaser tronc commun. Les formations du Titre professionnel ECSR ont débuté en octobre 2016 et les premiers diplômés ont reçu leur précieux sésame fin juin.

Ambiance joyeuse de fin d’année d’étude. En cette matinée de fin de juin, Lorenzo Lefebvre, gérant d’un centre de formation d’enseignants à la conduite, situé à Saint-Pierre-de-Varengeville, en Seine-Maritime, a organisé une cérémonie de remise de diplômes. Le moment est historique. Et pour cause, non seulement les reçus vont officiellement devenir enseignants de la conduite, mais ils font partie des premiers à recevoir le fameux nouveau Titre professionnel ECSR qui remplace désormais le Bepecaser – seul le Bepecaser mention deux-roues et mention poids lourd restent en vigueur jusqu’en 2019.

Validation de deux CCP
Pour rappel, l’accès au Titre Pro ECSR requiert un niveau Bac + 2 (contre le niveau Bac pour le Bepecaser) et est constitué de deux Certificats de compétence professionnelle (CCP) portant sur la formation initiale (CCP1) et sur la sensibilisation à la sécurité routière (CCP2).
L’objectif du CCP1 est de permettre au futur enseignant de savoir :
- construire et préparer le scénario d’une séance individuelle et collective de formation,
- animer une séance collective de formation à la sécurité routière,
- animer une séance individuelle ou collective de formation à la conduite d’un véhicule léger,
- évaluer le degré d’acquisition des compétences des apprenants,
- encadrer et faciliter l’intervention d’un tiers dans une situation d’apprentissage,
- repérer les difficultés d’apprentissage et essayer d’y remédier,
- apprécier la dynamique de l’environnement routier et en identifier les risques potentiels.
Quant au CCP2, il vise à savoir :
- analyser une demande relative à une prestation de sensibilisation,
- construire et préparer une action de sensibilisation,
- animer une séance de sensibilisation à la sécurité routière, au respect des usagers et de l’environnement,
- analyser ses pratiques professionnelles afin de les faire évoluer.
Pour obtenir le Titre Pro ECSR, il faut avoir validé les deux CCP.

Trois parcours de formation possibles
Les candidats ont le choix entre trois parcours de formation : - La formation continue. C’est le parcours le plus classique qui consiste à suivre une formation continue dans un centre de formation pour préparer les deux CCP. L’examen du Titre Pro est alors passé dans sa globalité à la fin de l’enseignement des deux CCP pour obtenir l’autorisation d’enseigner.
- La formation progressive. Plus connue sous l’appellation de formation en alternance, ce parcours consiste à alterner des cours au centre de formation et de la pratique dans une auto-école. Grâce à l’autorisation temporaire et restrictive d’enseigner (ATRE), le stagiaire peut dispenser des cours s’il a signé un contrat de travail avec l’établissement qui l’accueille pour obtenir le CCP1. Enfin, il doit valider son CCP2 en fin de formation pour obtenir son Titre Pro ECSR.
- Dernière voie d’accès : la validation des acquis par l’expérience (VAE). Dans ce cas, la personne qui présente déjà une expérience professionnelle peut demander une validation de ses acquis par l’unité territoriale et passe le titre dans sa globalité.

La pédagogie à l’honneur
Globalement, ce nouveau Titre Pro remporte tous les suffrages des formateurs. « Je ne vois que du positif par rapport au Bepecaser. Nous avons abandonné les cours magistraux pour des méthodes de construction de savoir », explique Éléonore Hervieux, BAFM et formatrice au centre Lefebvre Formations. Un jugement partagé par Mickaël Le Van Canh, BAFM et formateur dans le même centre. « La pédagogie est très présente dans ce Titre Pro. Il y a une volonté de faire travailler les élèves par eux-mêmes à travers des jeux de rôle, par exemple. Mais pas seulement. Le formateur doit vraiment s’adapter à chaque participant car certains apprécient de travailler en groupe tandis que d’autres préfèrent se débrouiller seul. Notre rôle en tant que formateur est de leur montrer le chemin, mais de ne pas leur imposer trop de choses afin que par la suite, ils puissent garder leur identité, tout en intégrant une équipe pédagogique au sein de l’auto-école pour laquelle ils travailleront ». Résultat : « on a formé des moniteurs hyper passionnés », confie Éléonore, visiblement fière et autant passionnée que ses élèves.

L’action de sécurité routière, une nouveauté plébiscitée
Mais la nouveauté la plus importante de ce Titre Pro ECSR réside certainement dans l’action de sécurité routière que doivent développer les candidats pour obtenir le CCP2. « En tant que formation, c’est intéressant et cela va plutôt dans le sens de l’évolution du métier », estime Lorenzo Lefebvre. Encore une fois, les élèves ont été encadrés mais fortement encouragés à être autonomes. Cela dit, « la majorité d’entre eux arrive en formation en ayant déjà une idée de ce qu’ils veulent faire », constate Mickaël.
Ainsi, Gaël Marq, l’un des diplômés du jour, travaillait dans un chantier d’insertion dans le bâtiment avant de se lancer dans la formation au Titre Pro. Il a proposé une action dans ce même chantier permettant de réfléchir sur les temps de réaction et les distances de sécurité à bord d’un véhicule.
De leurs côtés, deux jeunes filles ont travaillé ensemble pour proposer une action de sensibilisation en école maternelle portant sur le vélo, ainsi qu’une opération à Saint-Pierre-de-Varengeville, intitulée « savoir traverser la route ». Pour cela, elles ont imaginé une sorte de jeu de piste et créé des feux rouges et des voitures en carton. Un gros travail au niveau de la conception des supports pédagogiques qui s’est avéré payant puisque la mairesse de la commune, Pierrette Canu, présente lors de la remise des prix, les a félicitées pour cette initiative. Elle espère d’ailleurs que des opérations de ce type seront reconduites car, selon elle, « il faut sensibiliser les jeunes le plus tôt possible ».

Des opérations gagnant-gagnant
Ces actions de sensibilisation à la sécurité routière s’avèrent être une opération gagnante pour tout le monde. D’une part, la réalisation de ce travail est très motivante pour le candidat au Titre Pro. D’autre part, cela apporte une vraie valeur ajoutée auprès du public ciblé. Enfin, comme le souligne Lorenzo Lefebvre, « si l’on forme environ 1 500 Titres Pro par an (soit environ le nombre de personnes qui obtenaient le Bepecaser chaque année), cela signifie que 1 500 actions seront réalisées tous les ans par de futurs enseignants de la conduite. Les auto-écoles vont ainsi devenir un acteur principal en matière de prévention routière, ce qui donnera une belle image de notre profession plutôt malmenée à l’heure actuelle ».

Continue ou alternance : quelle formation choisir ?
À l’écoute de ces différentes expériences, on peut se demander si un parcours s’avère plus performant qu’un autre. Sur ce point, l’équipe pédagogique répond à l’unisson.
« Non, ça dépend de chacun. » « Les deux cursus présentent des avantages, explique Éléonore. Le parcours continu permet d’aborder quasiment en même temps le CCP1 et le CCP2, ce qui rend certainement la formation plus vivante. Quant à l’alternance, elle offre plus de temps pour absorber les connaissances abordées lors du CCP1 et donne une expérience de terrain au stagiaire grâce à l’immersion en auto-école. »
Gaël a choisi le parcours continu et s’en félicite : « ça m’a permis d’être totalement concentré sur ma formation durant ces mois d’apprentissage. Par contre, c’est vrai que cela représente une charge de travail très importante. Il faut être hyper motivé et s’y consacrer à 100% ». De son côté Isabelle Nunes, a opté pour la formation en alternance. Après avoir échoué au Bepecaser l’an dernier, elle est heureuse d’avoir tenu bon cette année, grâce aux encouragements de Lorenzo. « Le Titre Pro est nettement plus intéressant que le Bepecaser car on est plus ancré dans la réalité du terrain. Depuis fin mars, je travaille dans une auto-école. Nous sommes deux, la gérante et moi. Le but est de m’embaucher quand j’aurai obtenu mon diplôme. Les trois premiers jours, je suis restée en observation, le temps notamment de recevoir la carte d’aptitude me permettant de travailler. Puis, je me suis lancée. Au début, j’avais un peu peur. Mais rapidement, on se met à parler plus fort, à reformuler les explications pour que les élèves comprennent bien le message, à faire des dessins, etc. Aujourd’hui, je suis totalement investie dans mon travail. La gérante me fait confiance et c’est très gratifiant. Il me reste à passer le CCP2, mais je suis optimiste. D’ailleurs, j’ai déjà plusieurs idées d’actions à mener. »

Quelques critiques ?
Décidément, ce Titre Pro semble être la panacée. Tout n’a cependant pas été si simple au début. Les textes officiels étant sortis très tard par rapport au lancement des premières formations, il n’a pas été facile de trouver des jurés pour les examens, se rappelle Lorenzo. « Il a fallu convaincre les gens de bien vouloir participer aux sessions d’examens et suivre une formation auprès de l’AFPA pour devenir juré. « C’est vrai que les premiers temps, la mise en place du Titre Pro ECSR représentait beaucoup de changements, concède Christèle Sureau, conseillère pédagogique chargée de mission à la délégation régionale Centre-Val de Loire et Normandie de l’AFPA. On se posait parfois des questions pour lesquelles on n’avait pas toujours de réponse. Ça a été un gros investissement des équipes, mais maintenant nous sommes rodés. Et c’est une belle satisfaction d’être présente aujourd’hui à cette remise de diplômes car tout le travail effectué par les différents acteurs pour créer ce Titre Pro devient une réalité bien concrète. »

Des ajustements à prévoir
Pour autant, il reste quelques petits ajustements à faire. Selon Éléonore, le mémoire à rédiger pour le CCP2 est souvent un peu trop long. « Il est demandé environ 40 000 signes et certaines actions peuvent être parfaitement expliquées en un texte bien plus court. Résultat, on sent parfois que le candidat a tiré à la ligne, ce qui déprécie son travail. C’est dommage. » De son côté, Lorenzo suggère que dans le cas de « la formation en alternance, il serait bien qu’il y ait obligatoirement un contrat professionnel dernière. Cela éviterait d’éventuelles interruptions de formation entre le CCP1 et le CCP2, lorsque la première partie de formation est financée par un organisme, mais que stagiaire n’a pas obtenu de financement pour la seconde partie, par exemple.» Mieux, la formation sera cadrée, moins il y a aura d’abandon de la part des candidats et aussi moins d’argent gâché. Ce type de formations coûte cher : environ 7 500 euros, voire plus. C’est pourquoi les organismes financeurs ont un droit de regard sur l’emploi des crédits qu’ils allouent. Sur cette session formée via Lefebvre Formations, les résultats sont probants puisque 100% des candidats ont été diplômés, dont 86% au premier passage. Et le gérant ne se fait pas de souci, tous devraient facilement trouver du travail rapidement, si ce n’est déjà fait.
Justement sur ce point, Lorenzo Lefebvre tient à rappeler l’importance de passer des annonces de recherche de moniteurs auprès de Pôle Emploi.
« Même si l’essentiel des recrutements s’effectue via le réseau, cela permet à Pôle Emploi de voir que la formation à la conduite est un secteur qui embauche et donc de prévoir des aides de financement pour les formations d’enseignants. » Car si ce Titre Pro ECSR semble tenir toutes ses promesses en termes d’efficacité pédagogique, ce serait dommage d’achopper sur le volet financier.
S. A.

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