Des non-voyants au volant

01/04/2023 Formations/Examens
Formations/Examens Des non-voyants au volant

Le 13 mars dernier, l’association Les Non-Voyants et leurs Drôles de Machines a organisé un stage de conduite sur le circuit militaire de Versailles-Satory, dans les Yvelines, pour permettre à des non-voyants de prendre le volant.

«Gauche 5, Gauche 5, freinage léger, droite 10, relâche les gaz… » Assis à la place du passager avant d’une Renault Megane RS de 280 ch équipée de doubles commandes, Yanic Girault, gérant de l’école de conduite Yanic, à Vienne en Isère, joue les copilotes d’un jour et donne ses instructions à Serge. Un code de communication un peu particulier entre le pilote et son copilote. Et pour cause, au volant, Serge, 49 ans, est aveugle. « J’étais atteint d’une dégénérescence maculaire et j’ai perdu la vue vers 35 ans. Mais j’ai toujours été passionné par la mécanique et les voitures », confie-t-il, tout sourire. Alors quand il découvre l’existence de l’association Les Non-Voyants et leurs Drôles de Machines, il n’hésite pas une seconde. Il s’inscrit à l’un des dix stages de conduite organisés chaque année sur circuit fermé, en Belgique et en France, pour permettre à des personnes atteintes de cécité de prendre ou reprendre le volant.

Une méthode de communication orale entre pilote et copilote
Cette idée, on la doit à Luc Costermans. Passionné de sports automobiles, ayant lui-même perdu la vue en 2004 à la suite d’un accident, il a réussi à développer un système calculant la trajectoire du véhicule et donnant des indications vocales au conducteur non-voyant. Le principe général : imaginer que le volant est un cadran de montre gradué toutes les cinq minutes. L’enseignant guide alors le pilote au son de sa voie en lui indiquant s’il doit tourner le volant à droite ou à gauche, ainsi que l’intensité du mouvement à effectuer en s’appuyant sur ce cadran de montre virtuel. Gauche 5, droite 10.

Concentration extrême
Ce lundi 13 mars, six membres de l’association sont venus conduire sur le circuit militaire de Versailles-Satory, dans les Yvelines. Des conducteurs confirmés comme Serge qui peut faire des pointes à plus de 100 km/h sur la ligne droite, mais aussi des débutants comme Claude, 72 ans, aveugle de naissance mais grisé par la vitesse. Pour Claude, pas question de se lancer sur la piste dès le premier jour. Les stages sont divisés en 4 niveaux, explique Luc Costermans. La première fois, il s’agit d’écouter comment se déroule l’événement. Puis lors du stage de niveau 2, le stagiaire découvre l’habitacle, apprend à utiliser la boîte de vitesses automatique, mais aussi manuelle, faire quelques manœuvres. Il apprend ensuite le code de communication et seulement lorsque ces bases sont bien maîtrisées, il peut s’élancer sur la piste avec son copilote. « C’est un apprentissage pour le non-voyant, mais cela nécessite également une période d’apprentissage pour l’enseignant », souligne Yanic Girault qui poursuit : « cela demande une concentration extrême pour le copilote comme pour le pilote ».

Des stagiaires motivés et doués
Une grande concentration, mais aussi une confiance énorme entre le non-voyant et l’enseignant comme l’affirme Jérôme Copinot, gérant d’une auto-école à Magny-en-Vexin dans le Val d’Oise, qui participe à ce stage pour la sixième fois et est toujours surpris de voir à quel point les non-voyants progressent vite. « Claude qui n’a jamais eu le permis, a réussi à maîtriser le maniement de la boîte de vitesses en seulement deux heures. Les non-voyants écoutent et sont très concentrés. En tant qu’enseignant, c’est un bonheur de travailler avec des stagiaires comme eux. Parfois, j’aurais envie d’amener certains de mes élèves pour qu’ils prennent exemple sur eux… » Un constat que partage Halé Malchus, gérante d’une auto-école à Crépy-en-Valois, dans le Val d’Oise, fidèle de l’association depuis 14 ans. « Comme, ils ne voient pas, ils sont concentrés à 100 % sur votre voix et ne se laissent pas perturber par tout ce qui peut capter l’œil et distraire un conducteur voyant. Ils écoutent et agissent. Du coup, ils apprennent très vite. Et ça, c’est très gratifiant pour un enseignant ! ». 

À LIRE AUSSI