Les clés pour avoir une auto-école rentable

01/09/2023 Économie/Entreprise
Économie/Entreprise Les clés pour avoir une auto-école rentable

Pour dégager une rentabilité, les gérants d’écoles de conduite doivent impérativement connaître leur coût de production horaire. Un élément essentiel pour établir, entre autres, les offres commerciales. Conseils de professionnels expérimentés.

Le permis est-il trop cher ? C’est ce que considèrent bon nombre de clients et d’élus. Pour autant, Bruno Garancher, président de l’UNIDEC, démontre que depuis 40 ans « il y a une constante des prix par rapport au pouvoir d’achat des Français ». Pour cela, il a analysé des grilles de tarifs, rapportées à un tarif horaire de 1982 à nos jours. Il a ensuite comparé ces données à l’évolution du SMIC mensuel. « Depuis 1982 - date où la TVA a été généralisée à tous les statuts de société - le coût du permis correspond à 1,25, voire 1,5 SMIC mensuel », explique-t-il. Autrement dit, il n’y a jamais eu de déphasage du coût de la formation au permis par rapport au coût de la vie. En revanche, du côté des écoles de conduite, la donne n’est pas la même. « Sur cette période, à coût constant pour les élèves, on constate une augmentation du nombre d’heures de formation et beaucoup d’écoles de conduite ont perdu l’enseignement théorique, une prestation à forte valeur ajoutée, tout comme les frais de dossiers et d’accompagnement. » C’est sans doute ce qui explique que bon nombre de gérants disent ne pas s’en sortir. Car pour rester dans la moyenne des prix du marché, ils ne peuvent pas augmenter démesurément le tarif horaire. « Les écoles de conduite ont souvent tendance à freiner l’évolution des prix de l’heure et des forfaits car c’est le critère de comparaison des clients. Le cas échant, elles seraient en décalage vis-à-vis de leurs concurrents », explique Bruno Garancher.

Calculer le coût de production
Une tendance également observée par Lionel Delahoche, gérant de l’école de conduite CER Chalon, implantée en Saône-et-Loire. Ce chef d’entreprise est atypique, en ce sens où il n’enseigne pas pour se consacrer exclusivement à la gestion de son entreprise qui emploie 18 salariés. « Dans notre profession, nombre d’auto-écoles affichent des tarifs de formation qui ne sont pas établis en fonction des coûts réels de leur structure », constate-t-il. Une erreur qui peut être fatale. « Avec les nouvelles réglementations et les différents labels, il est aujourd’hui vital de connaître précisément le coût de production. » Concrètement, le calcul de cet indice consiste à totaliser dans un premier temps les différentes sources qui abondent le chiffre d’affaires par différents types de formations (A, B, éventuellement BE et le groupe lourd) : le nombre d’heures de conduite, les heures d’enseignement théorique et les prestations annexes facturées. « Il faut ensuite diviser le chiffre d’affaires obtenu par le nombre d’heures de production réalisées par les enseignants dans les différentes productions », indique Bruno Garancher.

Estimer le nombre d’heures facturable par enseignant
Pour sa part, Lionel Delahoche insiste sur le fait qu’il est décisif de bien estimer le nombre d’heures facturable par enseignant. « Ce n’est pas parce qu’un moniteur est embauché à 35 heures que les écoles de conduite facturent 35 heures. Il faut tenir compte des temps de formation de l’enseignant, des congés, des arrêts maladie, des absences d’élèves, des temps passés en examen ». D’où la nécessité de déterminer précisément le temps de production réel de la masse salariale productive. « Une secrétaire n’est pas productive en ce sens où l’entreprise ne facture pas ses heures à un client. Elle peut le devenir si elle s’occupe des simulateurs pour les évaluations de départ et la compétence 1 du programme REMC qui n’imposent pas la présence d’un enseignant », précise le gérant de Saône-et-Loire.

Ne pas oublier les coûts cachés !
Une fois ce temps de production comptabilisé à partir du planning de chaque enseignant, il faut ensuite totaliser les charges courantes : la masse salariale « non-productive », la location du local, le coût de la voiture, le carburant, l’électricité, les abonnements Internet, la téléphonie, etc. À ce résultat s’ajoute le montant des salaires chargés, ainsi que les coûts « cachés », tels que les temps administratifs liés aux labélisations (Qualiopi, CPF, paiement des prestataires en charge de la satisfaction client, etc.) et ceux consacrés à RdvPermis pour obtenir des places d’examen. En effet, ces dits coûts cachés peuvent, selon les structures, imposer une réorganisation de l’activité et nécessiter de soit intégrer du temps salarié complémentaire, soit rogner sur les heures de production facturables. « On rapporte alors le chiffre obtenu au nombre d’heures facturables. Ce qui va nous donner un coût horaire hors taxe de production dont découlera le bilan. ». Un travail bien souvent confié à un expert-comptable. Et ce n’est pas de la comptabilité, mais de la gestion ! L’occasion pour Lionel Delahoche de rappeler également « qu’en cas d’erreur, le seul responsable du bilan est le chef d’entreprise, pas le comptable »…

Ne jamais naviguer à vue !
Une fois le bilan établi, l’étape suivante consiste à passer de la comptabilité à la gestion. « Les chefs d’entreprise peuvent travailler sur leurs différents budgets à partir des résultats de N-1, prévoir ceux de l’année en cours et estimer ceux de l’année suivante », explique Bruno Garancher. Le tout en tenant compte de l’augmentation des salaires, de l’inflation et de la situation du marché concernant les liquidations ou les créations d‘écoles de conduite du secteur. Car ce dernier facteur engendra une potentielle hausse de la clientèle qui impliquera des recrutements ou alors d’une baisse de la clientèle qui nécessitera de revoir l’organisation. « Ces éléments d’analyses, associés au chiffre d’affaires prévisionnel permettent de savoir s’il reste ou non de la marge », poursuit le président de l’UNIDEC. « Si ce travail n’est pas réalisé, c’est de la navigation à vue, ce qui est hélas souvent le cas dans notre profession », déplore-t-il.

Déterminer le tarif horaire et les offres commerciales
Le coût de production permet aussi, et surtout, de déterminer le tarif horaire et les offres commerciales, comme les forfaits 13 ou 20 heures qui se calculent sur les mêmes principes. Seule différence inhérente aux forfaits : l’intégration éventuelle des prestations complémentaires comme les cours de Code, les frais d’inscription… « Il est essentiel de connaître le coût de production réel », insiste une nouvelle fois Lionel Delahoche. En effet, ce paramètre est décisif pour savoir où l’école de conduite se positionne vis-à-vis de la concurrence en matière de prix. « Soient elles sont dans la moyenne des prix du marché et c’est bien, soit elles en sont très éloignées. Auquel cas les gérants doivent trouver des solutions pour réduire les charges ou augmenter les heures de production afin de réduire le coût horaire ». Du fait de la différence des structures et des régions dans lesquelles elles sont implantées, il est impossible d’établir un coût horaire moyen qui garantirait une rentabilité aux entreprises. « Par contre, si elles facturent l’heure de conduite à 45 € TTC, ce n’est pas viable », affirme Lionel Delahoche. Même analyse pour Bruno Garancher pour qui une productivité horaire située entre 52 € et 55 € hors taxe « permet tout juste d’étaler les charges, mais sans avoir la marge qui permettra de viabiliser l’entreprise, de lui permettre de constituer des réserves, et de penser investissement, et parfois simplement d’assurer la rémunération du chef d’entreprise. Les plus performantes affichent des tarifs de 60 à 62 € HT. Un montant à partir duquel, il est possible de dégager une rentabilité ». Ce n’est « pas de la magie » comme on pourrait le croire au premier abord, affirme Bruno Garancher « car beaucoup se demandent comment afficher une productivité horaire de 60 € HT quand on vent l’heure de conduite à 50 € TTC. Rappelons-nous cette formule simple : la productivité horaire est égale au chiffre d’affaires HT (les heures pratiques – les frais administratifs et de présentation – le forfait théorique – etc.) divisée par le nombre d’heures de production effectivement réalisée dans l’activité (cours pratiques, cours théoriques, temps de présence en examen qui ont généré une facturation).

Tendre vers le collectif pour augmenter la productivité
Pour augmenter la productivité, l’une des solutions est de tendre vers les cours collectifs. Notamment pour les modules de formation portant sur les vérifications du véhicule comme les prises de niveau ou toute explication théorique en lien avec la formation pratique. « Faire du one-to-one pour ces cours n’a aucun intérêt. Par contre, il y en a un quand les entreprises sont en capacité de mobiliser un formateur pour six élèves. »

Investir dans un simulateur de conduite
C’est également le cas en recourant à la simulation. Le président de l’UNIDEC conseille d’ailleurs aux écoles de conduite de s’équiper de plusieurs simulateurs. « L’usage de cet outil ne vaut que si nous sommes capables de faire travailler simultanément quatre, voire huit élèves sous la supervision d’un seul enseignant ». À titre d’illustration, Bruno Garancher avance quelques chiffres pour démontrer la rentabilité d’une telle organisation, y compris quand des remises commerciales sont consenties dans des forfaits. « En vendant éventuellement l’heure moins chère, la perte sera compensée par la mutualisation puisque deux à cinq élèves vont payer un ou deux tiers du prix de l’heure. La productivité horaire se situera alors entre 110 € et 130 € HT. » Lionel Delahoche est également en faveur de l’usage du simulateur. « De tels outils coûtent entre 500 € et 550 € par mois, là où un salaire chargé de moniteur cumulé aux charges inhérentes du véhicule revient a minima à 3 500 €. En rendant le simulateur productif, sans occulter tous ses intérêts pédagogiques bien évidemment, il est possible de financer un poste administratif. Le simulateur est vraiment un axe d’amélioration de la rentabilité. »

Surtout, ne pas casser les prix !
Tout comme la hausse des tarifs. « Une évidence », pour le gérant chalonnais. En revanche, il déconseille fortement la baisse des prix destinée à augmenter le nombre d’inscriptions. « C’est le meilleur moyen de creuser son trou car le coût de production restera inchangé, mais le nombre d’heures vendues augmentera. Par conséquent, les entreprises perdront encore plus d’argent. Cette solution permet de récupérer de la trésorerie à court terme, mais elle n’est absolument pas pérenne. » D’où l’importance de consacrer du temps à l’établissement des budgets annuels par activité, dans la compréhension du bilan et du compte de résultat. « Les gérants doivent vraiment étudier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans leur structure. Rappelons que le gérant est celui qui gère, qui fait de la gestion. C’est le seul moyen d’avoir des entreprises plus profitables », affirme Bruno Grancher. ! 

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