Créations d’entreprises : une hausse spectaculaire et inquiétante

01/06/2015 Économie/Entreprise
Économie/Entreprise Créations d’entreprises : une hausse spectaculaire et inquiétante Depuis 2011 et la fin de l’obligation de qualification professionnelle pour les gérants d’auto-écoles, le nombre d’écoles de conduite n’a fait qu’augmenter.

C’est une tendance nationale : depuis quelques années, le nombre de créations d’entreprises auto-écoles a explosé ! On pourrait être tenté de dire qu’il s’agit d’un signal positif, montrant que l’auto-école est un secteur porteur d’avenir et d’espoir. Mais en vérité, cette forte croissance du nombre d’écoles de conduite semble avoir un impact néfaste sur la profession. Économiquement, beaucoup d’entre elles accusent une perte de chiffre d’affaires. Car comme on a coutume de le dire, le gâteau (sous-entendu le nombre d’élèves) n’est pas plus grand qu’auparavant, mais vous êtes plus à « manger » dessus.

3 000 auto-écoles supplémentaires en 2 ans !
Nous nous sommes procurés, auprès de la DSCR, les chiffres de créations d’entreprises depuis 2011 – un bureau compte pour une auto-école car l’agrément est distinct – et force est de constater que l’augmentation est spectaculaire. Ainsi, en 2011, le nombre d’auto-écoles était de 9 513 très exactement, selon des données communiquées à la DSCR par l’ANFA (association nationale pour la formation de l’automobile). En 2012, elles étaient 9 813, soit 300 de plus. Même évolution en 2013, avec 10 180 auto-écoles sur le territoire français. Mais c’est en 2014 que les compteurs s’affolent. En effet, l’an dernier, « 1 622 demandes d’autorisation administrative – demande initiale ou renouvellement – ont donné lieu à la délivrance d’un agrément », nous apprend la DSCR. Et au 26 février 2015, le logiciel Rafael, qui recueille les données relatives à la délivrance des autorisations administratives, dénombrait 13 273 bureaux d’auto-écoles. Pour résumer, entre 2013 et 2015, plus de 3 000 auto-écoles ont été créées ! Du jamais vu. Entre 1997 et 2005, la courbe des créations d’entreprises avait fortement décliné, jusqu’à passer sous la barre des 9 000. Mais le retard a donc été plus que rattrapé depuis.

Des Entreprises pas viables ?
« On a fait savoir à la DSCR et au ministère que la hausse nous inquiétait, mais nous n’avons pas été entendus », souffle Philippe Malpièce, secrétaire général du CNPA. La progression du nombre d’auto-écoles est visible un peu partout dans les régions françaises. À Montpellier, 60 ont été créées en à peine trois ans, doublant le nombre de sociétés dans certains quartiers. En Seine-Saint-Denis, 80 auto-écoles auraient vu le jour en 18 mois ! La Guyane a quant-à-elle vu son nombre d’écoles de conduite passer d’une trentaine à une cinquantaine en un peu moins d’un an et demi. Pour un territoire pourtant pas très grand… « Le risque, c’est que pas mal de ces auto-écoles ne soient pas viables, craint Philippe Malpièce. Et que l’on connaisse une recrudescence des fermetures et liquidations en 2016 et 2017. » Pour expliquer ces chiffres, plusieurs raisons sont avancées. La plus répandue, c’est que la fin de la qualification professionnelle en 2011 a « boosté » les créations. Sans obligation de diplôme d’enseignant, nombre de gérants auraient alors décidé de se lancer. Problème : si certains créateurs d’entreprises ont un business model tout à fait rentable, d’autres viennent pour casser les prix. Ce qui a entraîné, de fait, une paupérisation de la profession, surtout pour les auto-écoles ne faisant que du permis B et n’ayant pas eu la chance de se diversifier. Celles-ci, à terme, semblent être les plus menacées. Mais ce ne serait pas la seule explication de cette forte hausse. D’ailleurs, il n’y a pas eu à proprement parler de « révolution » entre 2011 et 2013, mais une progression de 7%. Et ce sont bien les chiffres de 2014 et 2015 qui interrogent le plus, puisque il y a eu une augmentation de… 30% sur ces deux années-là ! « La DSCR avait peu communiqué sur la suppression de la qualification professionnelle, ce qui explique cet engouement à retardement », observe Patrice Bessone, président du CNPA-ER. Est-ce que les auto-écoles low-cost et « nouvelle génération » ont fait gonfler les statistiques de créations d’entreprises ? 2014 marque en tout cas l’émergence de nouveaux concepts. Pour autant, on ne peut pas non plus dire qu’ils aient aujourd’hui totalement pignon sur rue.

Augmenter les places d’examens
« Il ne faut pas oublier que parmi ces créations, il y a aussi beaucoup de gérants qui ont déjà une affaire, déjà un local, souligne Philippe Colombani, président de l’UNIC. Certains d’entre eux ne font ça que pour obtenir le quota de 4 places mensuelles, alloué aux créations d’auto-écoles. » Une pratique confirmée par Boris Colart, gérant d’auto-école à Beauvais. « J’ai remarqué qu’il y avait pas mal de doublons, certains ne demandant des agréments que pour obtenir des places supplémentaires, note-t-il. Ainsi, ils augmentent aussi leur population de référence pour gonfler leurs statistiques. » Un calcul « bizarre », selon Boris Colart, et même « gagne-petit », peste Philippe Colombani. Faut-il le rappeler, les auto-écoles ne sont pas régies par un numerus clausus. Même si certains voudraient qu’il en existe un, la tendance est plus à la déréglementation qu’au durcissement des conditions d’agrément. La concurrence est totale, et vous pouvez vous installer juste en face d’un confrère si cela vous chante. Pour autant, il n’est pas certain que ce soit un excellent calcul !

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