Congés payés et arrêt maladie : de nouvelles règles sont entrées en vigueur

01/07/2024 Économie/Entreprise
Économie/Entreprise Congés payés et arrêt maladie : de nouvelles règles sont entrées en vigueur

Depuis le 24 avril 2024 et l’entrée en vigueur de la loi n°2024-364, le salarié en arrêt de travail prolongé ne perd plus ses droits à congés payés. Explications.

Le code et le droit du travail français sont, selon l’avis général, globalement favorables aux salariés. Ceux-ci se voient octroyer des droits et des protections qui sont inédits par rapport à ce qui existe dans les autres pays, y compris européens. Pourtant, il y a un domaine où la France n’était pas à la hauteur de sa réputation, celui de l’acquisition des congés payés pendant l’arrêt de travail. Sur ce point, le droit français était moins généreux que celui de l’Union européenne, ce qui normalement n’est pas admis. La Cour de cassation l’a fermement rappelé dernièrement obligeant ainsi les pouvoirs publics à revoir en urgence les règles en place.
Le gouvernement a donc profité du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne pour introduire, par amendement, l’article 37. Ce texte définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 22 avril 2024 modifie plusieurs articles du Code du travail traitant de l’acquisition des congés payés pendant un arrêt maladie et la prise de ces congés. Faisons le point sur la genèse de ces textes nouveaux et les changements qu’ils emportent.

À l’origine de la loi, la sanction de la Cour de cassation
Depuis toujours, le Code du travail distinguait les salariés absents pour maladie ou accident non professionnel et ceux dont l’arrêt de travail résulte d’une maladie ou d’un accident professionnel. La première catégorie de salariés n’acquérait aucun droit à congés payés pendant la période d’absence alors que la seconde accumulait des droits à congés que durant la première année d’absence. Il s’avère que ce dispositif n’était pas en accord avec ce que garantit le droit de l’Union européenne, à savoir un congé annuel de 4 semaines minimum pour tout travailleur. La Cour de cassation a très régulièrement signalé et notamment dans le cadre de ses rapports annuels, cette non-conformité du Code du travail français. Cependant aucune suite n’a été donnée. Le législateur a en effet laissé inchangé l’­article L.3141-5 du Code du travail qui posait difficultés. Finalement, lasse d’attendre une régularisation de la part des pouvoirs publics, la Cour de cassation a posé et aux termes d’une série de décisions en date du 13 septembre 2023, que le droit français n’était pas autorisé à empêcher le salarié d’acquérir des congés pendant ses périodes d’arrêt de travail.
Ceci a amené la Cour de cassation a décidé que les règles de droit devaient être les suivantes :
1) le salarié en arrêt de travail doit acquérir des congés payés comme s’il travaillait,
2) en cas d’arrêt pour maladie ou accident professionnel le salarié continue d’acquérir des droits à congés pendant toute la durée de son arrêt de travail, non plus seulement pendant un an,
3) le délai de prescription de 3 ans pour présenter une demande de rappel de congés payés n’ayant pas été attribués pour cause d’arrêt de travail, ne commence à courir qu’à partir du jour où l’employeur a informé le salarié de ses droits à congés puis l’a mis en mesure d’exercer ces derniers.
Autrement dit, la Cour de cassation a jeté un pavé dans la marre en remettant en cause tout le dispositif de gestion des congés payés suivi jusque-là par les entreprises françaises.

Une loi indispensable pour limiter le risque des entreprises
Il faut savoir que par principe, ce que décide la Cour de cassation produit un effet pour l’avenir mais aussi pour le passé. Ses décisions sont rétroactives, ce qui veut donc dire que les nouvelles règles posées sont considérées comme les seules règles ayant jamais existé. Au cas présent, cela signifiait qu’à l’issue des arrêts retentissants du 13 septembre 2023, toute entreprise courait le risque de devoir régler un arriéré de congés payés non seulement aux salariés en poste mais aussi aux salariés ayant quitté les effectifs.
En réalité, tous les salariés qui, au moment de leur carrière, se sont vu délivrer un arrêt de travail d’une durée significative, avaient vocation à se retourner contre leur employeur ou ancien employeur pour lui réclamer une créance salariale correspondant aux jours de congés payés non accordés compte tenu de l’état de santé. Les conséquences financières étaient susceptibles d’être particulièrement lourdes pour les entreprises. Et, c’est pour limiter ce risque que le législateur a décidé une refonte des règles concernant l’acquisition, le report et le rappel des droits à congés payés en cas de maladie.

Les nouvelles règles d’acquisition
La loi du 22 avril 2024 est venue modifier l’article L.3141-5 du Code du travail et ajouter un nouvel article L. 3141-5-1.
Désormais, le salarié en arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnel acquiert 2 jours ouvrables de congés par mois d’absence. Un salarié en arrêt de travail pendant toute la période de référence d’acquisition (c’est-à-dire du 1er juin de l’année N au 31 mai de l’année N+1) acquiert donc 24 jours ouvrables de congés payés au maximum. Le bénéfice de la 5ème semaine n’est en effet pas alloué au salarié absent durant un an au moins. Ce faisant, la loi nouvelle se cale très précisément sur ce que garantit le droit européen, à savoir le bénéfice de 4 semaines de congés payés par an.
S’agissant des salariés en arrêt de travail pour maladie ou accident d’origine professionnelle, les textes nouveaux laissent en partie inchangé ce qui était prescrit. Ces travailleurs continuent d’acquérir des congés à hauteur de 2,5 jours ouvrables par mois, mais sans que cela soit limité à la première année d’absence. Désormais, le salarié en arrêt acquiert des congés pendant toute la durée de son absence et ce que l’origine de son arrêt soit professionnelle ou non. De plus, aucune condition d’ancienneté ou d’indemnisation de l’arrêt de travail n’est exigée.
Ces nouvelles règles de décompte sont à intégrer immédiatement. Ainsi, l’entreprise dont un ou plusieurs salariés sont en arrêt de travail depuis le 24 avril 2024, date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle, devra veiller, à la fin du mois de mai 2024, à affecter les compteurs de congés payés de 2 jours ou 2,5 jours acquis selon que l’arrêt est d’origine professionnelle ou non. Il est important pour l’employeur de suivre et d’être au fait de ces règles nouvelles dans la mesure où, lui incombe, désormais, une obligation d’information prévue à l’article L. 3141-19-3 du Code du travail. À l’issue de chaque période d’arrêt de travail, l’employeur doit, dans le mois qui suit la reprise du travail, informer le salarié, par tous moyens (courrier, mail, via le bulletin de salaire), du nombre de jours de congés dont il dispose et aussi de la date jusqu’à laquelle ces jours de congés peuvent être pris. Pour que l’information donnée sur ce dernier point soit juste, l’employeur doit aussi s’approprier les règles de report.

Les règles de report posées
Le salarié en arrêt de travail prolongé peut se trouver dans l’impossibilité de prendre les congés qu’il a acquis. Cela est notamment le cas si le salarié est placé en arrêt de travail au moment où s’achève la période de prise des congés s’étendant normalement du 1er mai de chaque année au 31 mai de l’année suivante.
Imaginons par exemple, la situation d’un salarié qui dispose d’un solde de congés payés à prendre avant le 31 mai et qui se trouve dans l’impossibilité de les poser compte tenu d’un arrêt de travail courant d’avril au 30 octobre 2024. Pour ces salariés, la loi prévoit un report d’une durée de 15 mois prenant effet au moment où est livrée par l’employeur l’information sur les droits à congés mis à sa charge. Ainsi, si ce dernier informe le salarié ayant repris le travail quelques jours après la reprise et, par exemple, le 10 novembre 2024, alors le salarié aura droit au report de ses congés payés acquis et non pris jusqu’au 10 février 2026.
Lorsque l’arrêt de travail est d’une durée supérieure à un an, un autre régime de report est prévu. L’objectif étant d’empêcher le salarié absent pour maladie depuis plusieurs années de cumuler des congés payés de manière illimitée. Pour ces salariés absents pendant toute la période d’acquisition (c’est-à-dire avant le 1er juin N et après le 31 mai N+1) la période de report de 15 mois commence à courir dès la fin de la période d’acquisition des congés soit, au 1erjuin N+1 et non à compter de la reprise. Et, s’il s’avère que le salarié demeure en arrêt au terme de ce report, c’est-à-dire après le 31 aout N+2, alors ses congés reportés sont perdus. En revanche, si la reprise intervient avant, alors la période de report est suspendue et reprend son cours une fois que le salarié reçoit l’information due par l’employeur.

Le sort des arrêts maladie antérieurs à la loi
Les nouvelles règles d’acquisition et de report que nous venons de détailler sont rétroactives. Elles ont vocation à s’appliquer aux situations nées à compter du 1er décembre 2009. Le salarié qui a présenté un arrêt de travail l’ayant privé de droit à congés après cette date peut donc former une demande de rappels de congés payés. Attention, la loi a limité le délai de réclamation offerte au salarié. Le salarié en poste dispose de 2 ans à compter de la publication de la loi nouvelle, soit jusqu’au 24 avril 2026, pour réclamer, à son employeur, ses droits à congés non octroyés pour cause de maladie. Il est donc conseillé aux entreprises de recenser les salariés absents pour maladie et de budgéter en conséquence les congés qui pourraient restés dus.
Le salarié qui a quitté l’entreprise avant le 24 avril 2024, dispose, lui, d’un délai de 3 ans ayant commencé à courir à compter de la rupture de son contrat, pour saisir le conseil de prud’hommes et solliciter la condamnation de son ancien employeur en rappel de congés payés.
Dans tous les cas, la réclamation présentée par le salarié ne permet pas de bénéficier de plus de 24 jours ouvrables de congés par période d’acquisition. Le rappel est donc plafonné à 24 jours ouvrables par an tout globalisé, c’est-à-dire congés acquis lors de l’arrêt de travail et congés pris. 

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