La mobilité des aînés, quels enjeux aujourd’hui ?

01/09/2021 Sécurité routière
Sécurité routière La mobilité des aînés, quels enjeux aujourd’hui ?

Le 29 juin dernier, la délégation à la Sécurité routière a organisé un colloque réunissant acteurs de la mobilité, experts de santé, élus et associations, pour partager leurs expériences. Objectif : élaborer une stratégie sociétale pour permettre aux seniors de conserver le plus longtemps possible leur autonomie de déplacement.

En 2050, 1 Français sur 4 aura plus de 65 ans. En effet, entre une baisse de la fécondité et l’allongement de l’espérance de vie (actuellement, les Français vivent en moyenne 79 ans et les Françaises, 85 ans), la France va devoir faire face à une révolution démographique. Vivre longtemps n’est généralement pas un but unique, les Français veulent vivre longtemps mais dans de bonnes conditions. Or, un des facteurs essentiels est de pouvoir garder son autonomie de déplacement, afin notamment de conserver une vie sociale. Comme le souligne Henri Lemoine, président de Générations mouvement, « j’entends souvent dire : si je ne conduis plus, c’est la dernière étape avant l’Ephad ». Un sentiment souvent ressenti plus violemment par les hommes que par les femmes, précise Mélissa-Asli Petit, sociologue et fondatrice de Mixing Générations, un bureau d’étude en sociologie appliquée sur la thématique de la longévité.

Pour une visite médicale obligatoire ?
En vieillissant, le corps perd certaines de ses capacités. Alors faut-il instaurer une visite médicale obligatoire à partir d’un certain âge ? La question revient régulièrement animer le débat. Mais comme le fait remarquer avec humour Marie Auffret, rédactrice en chef de Notre Temps, « le contrôle médical ? Pourquoi pas. Mais c’est toujours pour celui qui est plus âgé que soit ! ». En effet, si les trentenaires peuvent trouver judicieux d’imposer une visite médicale à partir de 50 ans, les quinquagénaires se trouvent généralement encore jeunes et placent la barre vers 70 ans, etc. « Le problème, c’est que nous ne sommes pas égaux face au vieillissement », constate Catherine Gabaude, directrice de recherche en psycho-ergonomie, à l’Université Gustave Eiffel. D’une manière générale, on constate une réduction du champ visuel et une diminution de la capacité d’attention dues au vieillissement. Par contre, à 80 ans, certaines personnes ne souffrent d’aucune pathologie quand d’autres à 50 ans développent un diabète, ou plus tard des maladies neurodégénératives. C’est pourquoi, Catherine Gabaude pense que « l’enjeux de cette visite médicale serait plutôt d’évaluer le potentiel d’adaptation du conducteur senior à sa capacité de conduire plutôt que de se focaliser sur son état de santé ».

L’auto-école pour une expertise de remise à niveau
En avançant en âge, la plupart des conducteurs adaptent d’eux-mêmes leur façon de conduire, en roulant moins vite, en laissant plus d’espace avec le véhicule qui précède, en évitant de conduire de nuit pour ne pas être éblouis par les phares des autres véhicules, etc. Sur ce point, les écoles de conduite ont leur rôle d’expert à jouer, comme le souligne Lorenzo Lefebvre, vice-président du CNPA-ESR et gérant d’écoles de conduite en Normandie, près de Rouen, qui organise régulièrement des stages de remise à niveau à destination des seniors. « Nous effectuons un diagnostic de la façon de conduire de la personne et généralement nous l’orientons vers la boîte automatique qui permet de se concentrer sur les autres véhicules et de limiter les erreurs techniques. Nous procédons également à un entretien pour connaître leurs habitudes de conduite (quel est leur type de parcours, à quel moment ils prennent la voiture, etc.). Étant une école de conduite de proximité, on connaît bien les lieux et l’on peut leur donner des conseils. Par exemple, il vaut mieux allonger un peu son trajet en tournant trois fois à droite que d’effectuer un tourne à gauche sur une portion de route dangereuse. »

Repenser les infrastructures et les modes de transport
On l’aura compris, la politique actuelle de la France mise plus sur la possibilité de laisser les personnes conduire le plus longtemps, en avançant en âge, que d’instaurer une visite médicale à l’issue de laquelle, le senior pourrait se voir interdire définitivement de conduire. Pour autant, il arrive tout de même un moment où la conduite n’est plus possible. « Souvent après l’annonce d’une pathologie par le médecin, on s’aperçoit que beaucoup de personnes arrêtent d’elles-mêmes de conduire », indique Catherine Gabaude. Quels modes de déplacement s’offrent à elles ? Le vélo ? Pas sûr qu’une personne qui ne peut plus conduire puisse monter sur un vélo… Elles deviennent donc des piétons et sont tributaires des transports en commun. Encore faut-il qu’elles puissent monter et descendre les escaliers du métro parisien ou encore accéder à la marche d’un autobus. De même que marcher sur le trottoir n’est pas forcément un long fleuve tranquille lorsqu’il faut composer avec les EDPM. On le voit bien, penser la mobilité de demain est un enjeu crucial si l’on veut que la majeure partie de la population française puisse garder une certaine autonomie de déplacement. Or la mobilité de demain se décide aujourd’hui. Comme le dit très justement Mélissa-Asli Petit : « Imaginer une société pour tout le monde, c’est aussi imaginer une société pour soi en devenir ».

À LIRE AUSSI