Focus sur les dix mesures annoncées et réactions de la profession

01/05/2019 Réglementation
Réglementation Focus sur les dix mesures annoncées  et réactions de la profession

Le 2 mai 2019, le Premier ministre Édouard Philippe, et le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, ont dévoilé le contenu de la réforme du permis de conduire. Un programme qui tient en dix points et qui vise à réduire le coût du permis de 30 % et raccourcir les délais de passage de l’examen pratique.

La forme a quelque peu surpris. Alors que le président de la République, Emmanuel Macron, avait convoqué les médias en grande pompe à l’Élysée, le 25 avril dernier, pour annoncer « les grandes réformes » à venir pour la France, lors d’une conférence de presse retransmise en directe à la télévision, le Premier ministre, Édouard Philippe, et le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, ont choisi de dévoiler quelques mesures de la réforme du permis de conduire, le 2 mai dernier, à l’issue de la visite du centre de formation des apprentis (CFA) de Chasseneuil, en Charente, en présence de Gabriel Attal, secrétaire d’État chargé auprès du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, notamment chargé de mettre en place le Service nationale universel (SNU). Une présentation informelle donc, puisque le sujet n’était inscrit ni sur l’agenda du Premier ministre, ni sur celui du ministre de l’Intérieur communiqué aux médias.


Objectif : diminuer le coût du permis d’environ 30 %
Cette nouvelle réforme de la formation au permis de conduire comporte dix mesures « qui visent la totalité de ceux qui ont vocation à passer le permis de conduire », a indiqué le Premier ministre, « pour faire en sorte que le prix moyen du permis de conduire diminue sensiblement, de l’ordre de 30 % » et également pour réduire les délais pour obtenir une place d’examen. Dix mesures donc proposées par la députée Françoise Dumas, également présente lors de cette conférence et dont le Premier ministre a souligné « la qualité du rapport qu’elle a rendu le 12 février dernier, et qui nous permet d’apporter des solutions concrètes, pratiques pour diminuer le coût du permis sans diminuer la qualité de la formation qui est indispensable, compte tenu des enjeux de sécurité routière que chacun à bien à l’esprit ». Dix mesures diversement accueillies par la profession…


Les mesures détaillées
Le gouvernement a donc pioché dans les 23 mesures proposées par le rapport Dumas/Guérini pour en retenir dix que La Tribune des Auto-Écoles vous présente :
Mesure n°1 : gratuité du Code pour les volontaires au Service national universel (SNU).
- Ce que veut le gouvernement : dès le mois de juin, les premiers volontaires au SNU bénéficieront, dans le cadre de la première phase, dite « phase de cohésion », d’une sensibilisation à la sécurité routière et d’un module de formation collective au Code de la route, en vue du passage de l’épreuve théorique du permis de conduire. À l’issue de cette formation, les jeunes se verront remettre un code d’accès gratuit à une plateforme Internet de formation au Code de la route pour s’entraîner seul en e-learning. Enfin, ils pourront passer gratuitement l’examen théorique dans un centre agréé, les 30 euros étant pris en charge par l’État (uniquement pour la première presentation). À l’heure où nous bouclons ce magazine, force est de constater que la mise en place de cette mesure n’était pas très avancée. Les préfets n’avaient pas encore choisi de partenaires parmi les auto-écoles pour animer le module de formation au Code de la route, ni de fournisseurs pour la partie e-learning.
- Ce qu’en pense la profession : Patrick Crespo, président de CER réseau est dubitatif. Pour lui, « le nombre d’heures consacrées à l’apprentissage du Code de la route prévu dans le cadre du SNU, est insuffisant. Quant au e-learning, on connaît les limites de l’apprentissage seul. Je pense que la plupart des candidats au permis de conduire auront toujours besoin de passer par une école de conduite pour suivre des cours de Code ». Par ailleurs, Patrick Crespo se demande « qui va financer cette formation et ce passage de l’examen ? ».
La réponse est donnée par Patrice Bessone, président du CNPA-ER : « Cette mesure est contreproductive, car l’État va payer la formation et le passage à l’examen du Code dans le cadre du SNU. Mais comme nombre de jeunes ne vont pas forcément passer la pratique à l’issue de l’obtention du Code, ils vont devoir reprendre des cours de théorie en écoles de conduite qu’il leur faudra payer lorsqu’ils s’inscriront pour la formation pratique. Au final, la formation théorique aura été payée deux fois. Et la formation ne coûtera pas moins cher aux jeunes. »
Une opinion que partage Patrick Mirouse, président de l’UNIDEC, qui souligne par ailleurs, que l’État enlève une prestation à toute une profession sans donner aucune contrepartie. C’est du jamais vu ! » Même constat de Philippe Colombani, président de l’UNIC, qui s’insurge : « dans cette affaire, l’État spolie des entreprises, à savoir les écoles de conduite d’une partie de leur activité, sans les dédommager. C’est purement et simplement scandaleux ! »

Mesure n°2 : développer l’usage du simulateur de conduite dans la formation
- Ce que veut le gouvernement : pour réduire le coût de la formation au permis de conduire, le gouvernement encourage l’utilisation du simulateur de conduite lors de l’apprentissage de la conduite. Ainsi, dans le cadre des 20 heures d’apprentissage obligatoires, l’élève pourra en faire 10 sur le simulateur et non plus 5 comme c’était le cas actuellement. Le gouvernement table sur le fait que l’heure de conduite sur simulateur est normalement facturée moins cher qu’un cours en voiture, ce qui devrait donc réduire le coût final de la formation pour l’élève.
Pour aider les exploitants d’écoles de conduite à s’équiper d’un simulateur dont le coût est élevé, l’État décide de mettre en place une mesure d’incitation fiscale, sous la forme de suramortissement.
- Ce qu’en pense la profession : Bruno Garancher, président d’ECF se dit favorable à l’utilisation du simulateur de conduite. D’ailleurs, « ECF utilise déjà cet outil pédagogique, mais il faut que cela s’intègre dans un programme pédagogique et que les élèves soient encadrés par un enseignant de la conduite ». Même réflexion de Patrick Crespo, qui reconnaît que l’utilisation d’un simulateur dans le cadre d’un cours collectif en présence d’un enseignant de la conduite peut faire diminuer le coût final de la formation. « Mais ce dernier doit s’inscrire dans un programme d’apprentissage de 5 heures pour acquérir les automatismes, puis de 5 heures de cours collectifs avec un formateur et non pas en e-learning pour remplacer des cours en voiture ».
Si Patrice Bessone partage ces avis, il souligne que pour proposer des cours sur simulateur, il faut impérativement avoir un local pour installer ce dernier. Or, le président du CNPA-ER s’étonne de « la schizophrénie du gouvernement », qui encourage l’utilisation du simulateur, mais qui fait disparaître les cours collectifs en présentiel obligatoires dans le dernier arrêté définissant le label de l’État et qui veut également aller vers un agrément national, favorisant ainsi le développement des plateformes… « C’est une nouvelle fois, la politique du « et en même temps » chère à Emmanuel Macron », plaisante amèrement Patrice Bessone.
De son côté, Philippe Colombani, estime que « le simulateur est utile, mais il ne faut pas croire que les dix heures de simulateur permettront de baisser d’autant le nombre d’heures de conduite. Cela entretiendra un prix d’appel plus bas, mais le coût final n’en sera pas ou peu impacté ». Par ailleurs, le président de l’UNIC souligne que « l’achat d’un simulateur est un investissement important pour une école de conduite » et s’insurge à nouveau contre le fait que le gouvernement encourage les auto-écoles à supporter des dépenses quand il leur enlève une partie de leur activité avec le passage du Code via le SNU. Et « si l’État incite au suramortissement, on constate sur le terrain que les banques sont de plus en plus frileuses à soutenir la profession ».

Mesure n°3 : développer l’apprentissage  de la conduite sur boîte automatique
- Ce que veut le gouvernement : partant du constat que la formation sur boîte automatique est plus facile que sur une boîte manuelle car l’élève n’a pas à apprendre à maîtriser le passage des vitesses, le gouvernement estime que la formation devrait être plus rapide, donc moins onéreuse. Il rappelle d’ailleurs que la durée minimale obligatoire de l’apprentissage de la conduite sur un véhicule équipé d’une boîte de vitesse automatique a été abaissée à 13 heures (au lieu de 20 heures).
Par ailleurs, le gouvernement veut réduire le délai permettant de conduire sur une boîte manuelle après avoir obtenu le permis de conduire sur une boîte automatique. Actuellement de 6 mois, ce délai devrait passer à 3 mois d’ici fin 2019.
- Ce qu’en pense la profession : Le président de l’UNIC n’est pas contre, mais selon Philippe Colombani, « certes, la formation sur boîte auto nécessite moins de leçons, mais la formation de 7 heures sur boîte manuelle devra être faite dans la plupart des cas, car pour l’heure, l’essentiel du parc automobile français est équipé de boîtes manuelles. Résultat, cela ne changement pas beaucoup le prix final ». De leurs côtés, Patrick Crespo, Bruno Garancher et Patrick Mirouse, sont plus optimistes. S’ils constatent qu’il y a encore une certaine réticence de certains parents à inscrire leurs enfants en formation boîte automatique à cause de l’idée reçue persistante que la boîte auto s’adresse à des conducteurs pas très doués ou en situation de handicap, les mentalités évoluent peu à peu avec l’évolution de la technologie (véhicules hybrides ou électriques équipés uniquement en boîte auto).

Mesure n°4 : favoriser l’accès à la conduite supervisée
- Ce que veut le gouvernement : pour rappel, la conduite supervisée est une forme d’apprentissage dérivée de la conduite accompagnée qui permet à la suite de la formation initiale ou après échec à l’épreuve de conduite, d’acquérir de l’expérience de conduite, avec un accompagnateur de son choix (ex : parents ou autres proches), titulaire de la catégorie B du permis de conduire depuis au moins cinq ans sans interruption. Le passage en conduite supervisée permet de ne pas reprendre des cours payants en école de conduite, donc de baisser le coût global de la formation.
Pour l’heure, force est de constater que la conduite supervisée concerne très peu d’élèves conducteurs. Le gouvernement veut donc populariser cette forme d’apprentissage et en faciliter l’accès en l’ouvrant à tout élève ayant échoué à l’épreuve pratique, « sans délai ni formalité, exceptée celle d’obtenir l’accord de l’assureur. Seul un niveau de maîtrise manifestement insuffisant, renseigné par l’inspecteur le jour de l’examen, pourrait le priver de ce droit. Cette faculté sera automatiquement accordée au regard des capacités minimales de l’élève à poursuivre son apprentissage par cette voie ». Cette mesure qui devrait être mise en place d’ici fin 2019 pourrait, selon les estimations du gouvernement concerner 300 000 des 580 000 candidats ajournés chaque années.
- Ce qu’en pense la profession : Sur ce point, Patrice Bessone, Patrick Crespo, Philippe Colombani, Bruno Garancher et Patrick Mirouse s’accordent : la conduite supervisée est une bonne méthode de formation inspirée de la conduite accompagnée et permet de réduire le coût du permis. Mais ils s’étonnent que la conduite accompagnée généralement plébiscitée par l’État et les assureurs, qui ne représente même pas 50 % des formations en France, ne fasse l’objet d’une mesure spécifique dans cette réforme afin de la promouvoir.

Mesure n°5 : développer la conduite encadrée
- Ce que veut le gouvernement : outre la conduite supervisée, le gouvernement souhaite encourager un autre type de conduite accompagnée : la conduite encadrée. Rappelons que cette dernière s’adresse uniquement à un certain public, à savoir les personnes qui sont en formation professionnelle en vue de l’obtention d’un diplôme de l’Éducation nationale et de la Jeunesse permettant la délivrance du permis de conduire (ex : CAP de conducteurs routiers de marchandises, livreurs de marchandises ou livreurs, BAC pro conducteur transport routier de marchandises, etc.). Dans ce cas, l’accompagnant est généralement le maître d’apprentissage. Ce cursus de formation donnant de bons résultats, le gouvernement a décidé de l’étendre aux titres professionnels du ministère du Travail et à ceux de l’Éducation nationale et de la Jeunesse qui ne visent pas exclusivement les professions de conducteurs routiers, mais pour lesquels l’obtention de la catégorie B du permis de conduire est indispensable pour l’exercice de l’activité professionnelle (ex. : aide aux personnes, artisans opérant des livraisons, etc.). Selon le gouvernement, « cette mesure permettra d’accroître significativement le nombre de jeunes qui obtiendront la catégorie B du permis de conduire gratuitement, dans le cadre de leur formation ».
- Ce qu’en pense la profession : Cette mesure ne génère que peu de commentaires de la profession qui dans l’ensemble, l’approuve.

Mesure n°6 : moderniser l’épreuve pratique
- Ce que veut le gouvernement : il s’agit de développer une plateforme de réservation en ligne des places d’examen pratique sur laquelle les candidats s’inscriront eux-mêmes et qui remplacera à terme, le système de gestion des places actuel.
Concrètement explique le gouvernement, « sur les conseils de son formateur », le candidat pourra choisir son centre d’examen, ainsi qu’une date et un créneau horaire parmi les disponibilités proposées ou s’inscrire à la file d’attente. Dans ce cas, un système d’alerte par mail et texto indiquera les disponibilités possibles le moment venu. Enfin, il sera accompagné dans son parcours par des notifications automatiques pour arriver dans les meilleures conditions possibles à l’examen : conseils de préparation, documents nécessaires pour l’examen, information de prévention routière, etc.
Le candidat pourra, s’il préfère mandater son école de conduite pour effectuer cette démarche à sa place. Dans ce cas, lors de l’inscription par l’école, un mail de confirmation sera transmis à l’élève qui sera informé en temps réel de toutes les démarches effectuées par son école pour son compte.
Enfin, les candidats libres s’inscriront évidemment seuls sur la plateforme. Ils auront pour obligation de déclarer en ligne l’identité de son accompagnateur.
Selon le gouvernement, « en connaissant sa date de passage, l’élève est en mesure de mieux adapter la formation nécessaire à sa réussite dès le premier passage ». Ainsi, le taux de réussite devrait augmenter et en limitant les échecs à l’examen, les délais d’obtention d’une place d’examen pratique devraient diminuer. « Pour inciter les candidats à se présenter avec un niveau de préparation optimal, le délai de représentation après un échec sera conditionné au résultat obtenu : plus le niveau était faible le jour de l’examen, plus le délai d’attente pour se représenter sera long. En s’appuyant sur l’évaluation des inspecteurs du permis de conduire, cette règle participe de la responsabilisation des élèves et contribuera à la régulation des flux de demandes de places d’examen », explique le gouvernement.
En test depuis juillet 2018 dans le département de Seine-Saint-Denis, Candilib « se passe plutôt bien », selon la DSR qui indique cependant que la phase de test va continuer. Ainsi, une expérimentation va être mise en place, dès janvier 2020, dans cinq départements (l’Aude, la Haute-Garonne, le Gers, le Gard et l’Hérault), pour une durée de huit mois.
- Ce qu’en pense la profession : C’est certainement, la mesure qui provoque le plus de mécontentement dans la profession. « Je suis contre, mais je ne suis pas inquiet car cela ne va pas fonctionner », affirme Patrice Bessone. « On va avoir un effet d’engorgement du réseau », pressent le président du CNPA-ER.
Même crainte pour Philippe Colombani : « L’impact sur les délais sera catastrophique ; les longs délais résultent en effet de la trop faible production de places d’examens et non d’une supposée mauvaise volonté des intermédiaires. En effet, les écoles de conduite présentaient jusqu’à présent les élèves une fois ces derniers prêts, sans engorger des centres d’examen déjà en sous-effectifs. Avec cette réforme, il faut s’attendre d’une part à ce que les établissements de la conduite n’accompagnent plus individuellement leurs élèves au passage de l’examen avec leurs véhicules. D’autre part, ces inscriptions libres seront inévitablement accompagnées d’un absentéisme accru provoquant des créneaux inoccupés et rendant l’organisation de ces examens chaotique. »
Très agacé, Patrice Bessone déplore par ailleurs que « quand Candilib a été mis en place, les organisations professionnelles n’ont pas été invitées à la table des discussions, tandis que le gouvernement a consulté un ingénieur d’Ornikar… c’est dire le sentiment de défiance de l’État envers les écoles de conduite et la complaisante pour les plateformes ».
Si Patrick Crespo et Patrick Mirouse semblent un peu moins vent debout contre cette mesure, ils s’interrogent sur sa mise en place pratique sur le terrain. « Je ne sais pas quel algorithme va réussir à faire correspondre la demande des élèves avec la disponibilité des inspecteurs, mais aussi des auto-écoles pour fournir le véhicule d’examen », se demande Patrick Crespo qui redoute que ça devienne compliqué à gérer pour les écoles de conduite. Idem pour Patrick Mirouse qui souhaite que les auto-écoles aient un accès réservé pour les mandats qui leur seront donnés par leurs élèves, comme cela se passe avec les opérateurs privés pour les inscriptions à l’ETG.

Mesure n°7 : mise en place d’une plateforme gouvernementale dédiée au choix de son auto-école
- Ce que veut le gouvernement : d’ici la fin de l’année, le gouvernement compte mettre en œuvre une plateforme d’information grand public permettant aux futurs apprentis conducteurs de choisir leur future école de conduite en fonction de plusieurs paramètres. Les écoles de conduite proches de son bassin de vie ou d’emploi seront accessibles sur une carte en ligne via la géolocalisation, soit en utilisant sa position, soit en renseignant une adresse. Pour chaque établissement, l’internaute pourra connaître : le nombre d’élèves présentés à l’examen ; le coût des prestations (forfait, prix d’une heure de conduite) déclarées par l’école de conduite ; la durée précise d’une heure de conduite, déclarée par l’école de conduite ; les taux de réussite des élèves présentés par l’auto-école à l’examen ; le nombre d’heures moyen pour réussir son permis, déclaré par l’école de conduite ; le taux de présentation par l’auto-école de candidats à l’examen (nombre d’élèves présentés à l’examen par rapport au nombre d’inscrits à l’auto-école).
Les élèves pourront également trouver : le délai médian (délai dans lequel la moitié des candidats a passé l’examen. Ce délai, contrairement au délai moyen, permet d’écarter les valeurs extrêmes qui n’ont pas de signification, explique le gouvernement) entre réussite à l’examen théorique et le passage de la première épreuve pratique ; le délai médian entre 2 passages de l’épreuve pratique ; de l’information sur les modalités d’accompagnement financier (permis à un euro par jour, bourse au permis, aides diverses des collectivités territoriales…) ; les sites d’inscription en ligne aux épreuves théoriques et pratiques, et, une fois les épreuves réussies, le téléchargement du certificat provisoire d’autorisation de circuler.
Par ailleurs, un contrat type avec un nombre limité, mais obligatoire, de rubriques tarifaires va être élaboré afin de faciliter les comparaisons sur Internet des tarifs et des prestations proposées par les écoles de conduite
- Ce qu’en pense la profession : Pour Philippe Colombani, cette mesure est « un gaspillage de l’argent public, car cela existe déjà ! » Sans compter que cela implique la publication des taux de réussite des auto-écoles, ce à quoi l’UNIC s’oppose, estimant que « la seule prise en compte des taux de réussite mènera immanquable au sacrifice d’une partie des élèves, dans un souci élitiste de conservation d’un bon taux de réussite ».
Bruno Garancher, Patrick Crespo et Patrice Bessone ne voient pas non plus trop ce que va apporter cette plateforme, sachant que le concept a déjà été développé par Vroum Vroum ou le Club Rousseau, par exemple.
Patrick Mirouse va plus loin. Le président de l’UNIDEC affirme trouver cela « surprenant », « l’État applique une politique de marketing. Il n’est pas dans son rôle », avant d’ajouter : « je demande à voir comment cela va être fait, car je ne voudrais pas que sous prétexte de transparence, on se retrouve avec une transparence opaque… ».

Mesure n°8 : créer un livret d’apprentissage numérique de formation pour suivre la progression du candidat
Ce que veut le gouvernement : ce livret d’apprentissage numérique devra comporter l’identité de l’école de conduite, celle de le ou les enseignants de la conduite qui ont formé l’élève, le nombre d’heures d’enseignement dispensées et le niveau atteint par l’élève dans sa formation. Ces informations ont pour but de mieux évaluer son niveau de préparation et sa capacité à réussir l’examen pratique. À noter que les services publics de l’éducation routière auront accès à ce document et pourront communiquer avec l’élève lors des différentes étapes de son parcours, à partir des éléments contenus dans ce livret. Une expérimentation de cette mesure sera mise en place en janvier 2020, en vue d’une généralisation ultérieure.
Ce qu’en pense la profession : Encore une fois, certains rappellent que le livret d’apprentissage numérique existe déjà. Cependant, cette mesure est approuvée par l’ensemble de la profession qui y voit une manière pour l’État de pouvoir contrôler le cursus d’un candidat et notamment de connaître l’identité des enseignants de la conduite qui l’ont formé. « On pourra savoir si le moniteur est déclaré ou pas », estime Patrick Crespo.

Mesure n°9 : abaisser l’âge de passage de l’examen dans le cadre de l’apprentissage anticipé de la conduite
- Ce que veut le gouvernement : il s’agit de permettre au jeune ayant opté pour l’apprentissage accompagné de la conduite de pouvoir passer l’examen pratique dès 17 ans. S’il obtient sont permis, ce dernier devra cependant attendre 18 ans pour avoir le droit de conduire seul. Avant la majorité, il devra continuer à être accompagné, même s’il a réussi l’examen. Pour le gouvernement, « cette mesure est de nature à faciliter la préparation à l’examen, et à augmenter l’expérience du jeune conducteur avant sa majorité, dans des conditions de sécurité optimales ».
- Ce qu’en pense la profession : Philippe Colombani estime que « cela pose la question de la maturité des élèves et des conséquences sur la sécurité routière». Tandis que Patrick Crespo rappelle que CER réseau avait proposé de faire passer l’examen à 17 ans pour les élèves en conduite accompagnée. Mais CER Réseau proposait que le conducteur novice puisse conduire seul (sans son accompagnateur) avec d’éventuelles restrictions (uniquement de jour, sur un périmètre défini autour du domicile, etc.). « Cela aurait permis au conducteur d’acquérir de l’expérience en étant encadré, mais là, en obligeant le conducteur à être accompagné de son tuteur jusqu’à sa majorité, l’État propose une demi-mesure, dont je ne vois pas bien l’intérêt ».


Mesure n°10 : adapter les questions  du Code de la route aux publics et aux enjeux de sécurité routière
- Ce que veut le gouvernement : « la banque actuelle de questions, utilisée depuis mai 2016, permet de vérifier que les candidats connaissent les règles du Code de la route et surtout comprennent pourquoi celles-ci doivent être mises en œuvre. Elle est composée d’environ 950 visuels (photos et vidéos) qui illustrent des situations concrètes. Au total le candidat doit répondre à 40 questions et ne pas commettre plus de cinq erreurs pour valider l’examen. La réussite de cet exercice constitue un préalable au passage de l’examen pratique. Le taux de réussite était de 60 % en 2018. La banque de questions de l’ETG est régulièrement revue et de nouvelles questions introduites. Pour ce faire, un appel d’offre a été publié et le titulaire du marché devrait être connu au plus tard au mois de juin ». Le gouvernement précise par ailleurs, que « dans le cadre de ce nouveau marché, la banque de questions sera renouvelée en veillant à ce que les questions soient intelligibles et claires, y compris pour les publics les plus en difficulté ».
- Ce qu’en pense la profession : « C’est un serpent de mer, ironise Philippe Colombani. On demande cela régulièrement , ». Une opinion partagée par Patrice Bessone, Patrick Crespo, Bruno Garancher et Patrick Mirouse.

Une réforme qui fait pschitt ?
Au final, à part le passage du Code dans le cadre du SNU et l’inscription à l’examen pratique directement par l’élève qui constituent deux mesures que réfutent les écoles de conduite, la profession n’est pas foncièrement contre cette réforme. Cependant, dénonce Patrice Bessone, « elle ne répond pas à la problématique de la baisse du coût. La profession avait proposé le portage des crédits du CFP des parents vers les enfants. Sur ce point, c’est le silence radio. Le gouvernement est passé à côté de la demande des Français qui portent sur le financement », ou « fait supporter tous les efforts aux entreprises sans proposer de vraies solutions », estime Patrick Mirouse. « On aurait envie de dire « beaucoup de bruit pour rien », conclut Bruno Garancher, si en parallèle, l’arrêté du 7 mai modifiant les critères du label ne venait vider d’une partie de sa substance l’intérêt de la labellisation pour ouvrir la route aux plateformes. Sur ce point, je n’avais jamais vu l’ambition de l’État tomber aussi bas. On assiste à un vrai changement politique avec un gouvernement libéral. D’où la nécessité impérieuse de réinventer l’école de conduite de demain, en incluant peut-être un champ plus large sur la mobilité, pour pérenniser la profession ».

S. A.

À LIRE AUSSI