Auto-école en ligne : La profession n’est pas prête pour une « libéralisation »

01/06/2014 Réglementation
Réglementation Auto-école en ligne : La profession n’est pas prête pour une « libéralisation » Six organisations professionnelles ont assigné en justice la société Ornikar, une auto-école en ligne qui entend proposer des leçons de conduite à travers toute la France.

Pourrait-on assister, prochainement, à une « dématérialisation » de l’auto-école ? C’est la question que pose le « cas Ornikar », pour l’instant unique en France. Cette start-up, créée par deux jeunes entrepreneurs fourmillant d’idées, Benjamin Gaignault et Alexandre Chartier, propose un « système d’auto-école en ligne ». Les élèves s’inscrivent et gèrent eux-mêmes leurs heures de conduite, le tout via Internet. Ornikar a commencé à se constituer un réseau de moniteurs indépendants à travers la France. « Une centaine de candidatures », aurait été reçue par les dirigeants. Mais Ornikar est confrontée à un double-problème. D’abord, elle n’a pas encore reçu son agrément. D’autre part, six organisations professionnelles (UNIC, CNPA, CNSR, FNEC, UNIDEC et UNISDECA) l’ont attaquée en référé au tribunal de commerce de Paris. Elles lui reprochent notamment le concept « d’inscription en ligne », contraire à la réglementation en vigueur.

D’autres Ornikar à venir ?
L’article 4 de l’arrêté du 8 janvier 2001 dispose en effet que l’exploitant doit « procéder aux inscriptions individuelles des élèves uniquement dans le local, à l’exclusion de tout autre lieu ». Autrement dit, l’inscription en ligne serait interdite. Dans son dossier de presse, la start-up précise bien que « le candidat s’inscrit en ligne sur le site web d’Ornikar ». Pourtant, joint par téléphone, Benjamin Gaignault se ravise. « On a bien compris que l’inscription en ligne dans une auto-école n’était pas autorisée, indique le développeur. Les élèves devront venir s’inscrire dans notre local, à Paris. » Pas sûr que les responsables d’Ornikar, qui ont mis « toutes leurs économies dans ce business », aient prévu tant de contraintes. « Si les jeunes de toute la France doivent s’inscrire à Paris pour accéder à leurs services, leur concept est mort », tranche Philippe Colombani, président de l’UNIC. Pourtant, il reconnaît qu’Ornikar s’inscrit dans l’air du temps. « Ornikar, c’est un peu le Über de l’auto-école (en référence à la société américaine de véhicules de tourisme avec chauffeur, ndlr). Et il risque d’y en avoir des dizaines d’autres. »

Candidat libre
Du côté d’Ornikar, on estime que ce service répond à une vraie demande. « Nous sommes partis d’un constat simple, explique Benjamin Gaignault. Celui que le marché auto-école était habité d’une grosse insatisfaction de la part des usagers, notamment concernant le coût du permis. On voulait rendre la formation au candidat, en le laissant gérer de A à Z tout en lui offrant le réseau. Et proposer des tarifs attractifs (des heures de conduite à 35 euros, ndlr) ». Dans la formule proposée par Ornikar, l’élève doit déposer son dossier candidat libre à la préfecture de son lieu d’habitation. Un principe que les organisations syndicales jugent « incompatible » avec l’enseignement de la conduite à titre onéreux. Benjamin Gaignault reconnaît lui-même que les délais d’examens ne seraient « pas améliorés, voire empirés », par rapport à une auto-école lambda. Pour les heures de conduite, l’élève pourrait être géolocalisé via le site web, afin de chercher un moniteur dans sa région ». Les enseignants ne seraient pas des salariés d’Ornikar mais des prestataires, par exemple sous le statut d’auto-entrepreneur. « Les moniteurs sont séduits par le concept, qui leur donnerait plus de liberté, souffle Benjamin Gaignault. Même certaines auto-écoles se disent prêtes à faire travailler leurs enseignants via Ornikar, lorsque ceux-ci ont des trous dans leur emploi du temps. » Patrice Bessone, président du CNPA, est ferme sur ce point. « Une auto-école doit avoir un lien contractuel avec ses enseignants, c’est écrit dans les textes. Sinon, comment peut-on assurer le suivi d’une formation ? » Les dirigeants d’Ornikar assurent avoir la chance d’être « soutenus par des financiers ». La start-up a notamment été primée au concours « 101 projets », organisé par un jury prestigieux, composé de Jacques-Antoine Granjon (Vente-Privée), Xavier Niel (Free) et Marc Simoncini (Meetic). Mais son avenir, pressenti radieux, semble assombri par la menace d’une condamnation judiciaire.

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