Fraude à l’ETG : la DSR renforce les contrôles

01/11/2023 Réglementation
Réglementation Fraude à l’ETG : la DSR renforce les contrôles

Depuis le 1er janvier 2023, la délégation à la Sécurité routière a annulé deux mille examens du Code de la route, obtenus de façon frauduleuse. Un chiffre à rapporter aux 1,8 million d’épreuves théoriques organisées chaque année.

En septembre 2023, la brigade de gendarmerie de Vesoul, en Haute-Saône, a démantelé un trafic concernant les examens du Code de la route, obtenus frauduleusement moyennant paiement. Pour décrocher le précieux sésame sans passer l’épreuve, 1 400 personnes ont déboursé entre 250 et 600 euros. Cette escroquerie organisée au niveau national était pilotée par le gérant d’un centre d’examen situé dans le Val-de-Marne. Lequel a été aussitôt fermé. D’autres cas similaires ont été constatés en dans le Val-de-Marne, mais également en Eure-et-Loir ou encore en Isère par les forces de Sécurité intérieure, les bureaux de l’Éducation routière et les référents fraude des préfectures. Sur les 1,8 million d’examens organisés par an, deux mille cas de fraude ont été relevés depuis le début de l’année 2023. Ce qui représente 0,11 % et fait dire à la DSR que le taux de fraude constaté est « extrêmement faible ». Un pourcentage très éloigné de celui de 40 % qui circule depuis quelques mois, notamment au sein des organisations professionnelles des inspecteurs du permis de conduire.
« Le taux de 40 % de fraude me paraissait énorme, voire totalement fantaisiste car cela voudrait dire que près d’un candidat sur deux serait en situation de tricherie à l’ETG », indique Bruno Garancher, président de l’UNIDEC. Pour autant, il ne nie pas le problème de la fraude. Un phénomène qui choque particulièrement Patrice Bessone, président de Mobilians-ESR. « Cela me révolte, car ce système de fraude revient à faire deux fois les poches à l’élève : la première quand on lui vend une attestation alors qu’il n’a pas passé l’examen ; la seconde quand il est obligé de prendre plus d’heures de conduite car il n’a pas les connaissances théoriques requises. »

Un taux de fraude en hausse
La DSR dit avoir pleinement conscience de ces escroqueries. Elle constate que le taux de fraude avéré est en augmentation, avec 54 épreuves annulées en 2021, 450 en 2022 et déjà 2 000 en 2023 alors que l’année n’est pas encore terminée. « Cette hausse justifie la politique active que nous menons avec la cellule de lutte contre la fraude de la sous-direction à l’Éducation routière », indique la DSR. En 2022, plus de 1 000 contrôles ont été organisés sur 1 900 sites, là où il y en avait eu 674 en 2021. À ce titre, la DSR souhaite développer ces contrôles et « accroître leur efficience grâce au développement des formations et à l’amélioration des outils de détection ».

Trois types de fraude
Parmi les fraudes constatées, figure celle où une tierce personne passe le Code à la place du candidat. Autre cas, celui du candidat qui se déplace, réalise un test fictif, tandis que l’examen est passé par une tierce personne à un horaire différent. Enfin, troisième type de fraude : l’examinateur passe l’épreuve à la place du candidat. « Des mesures ont été prises comme le renforcement des contrôles sur site, l’annulation systématique des épreuves obtenues frauduleusement. »
Pour enrayer ces escroqueries, la DSR mène actuellement un travail pour faire évoluer la réglementation et renforcer les contrôles internes au sein des organismes agréés, notamment au travers de contrôles informatiques. « Nous avons récemment rappelé aux organismes agréés leurs obligations réglementaires de contrôles internes. » Un audit de l’inspection générale de l’administration a évalué les conditions de l’externalisation de l’ETG. « Les cas détectés donnent un ratio de fraude très faible, illustrant que la grande majorité des centres d’examen du Code fonctionne normalement, dans le respect des règles », affirme la DSR.

« Un système qui construit du black »
En effet, l’externalisation de l’ETG est souvent pointée du doigt, notamment par les IPCSR et certains enseignants de la conduite. C’est pourquoi certains demandent le retour de l’examen théorique dans le giron de l’État. Une demande qui n’est pas à l’étude précise la DSR. Selon Patrice Bessone, ce n’est pas la privatisation de l’examen théorique qui engendre la fraude. « Le problème tient au fait d’avoir ouvert l’organisation de ces examens aux autoentrepreneurs. En dehors de La Poste où ce sont des agents salariés qui font passer l’examen, les autres opérateurs recourent à des autoentrepreneurs qui n’ont aucune éthique », affirme-t-il. « Ces derniers font du business : s’ils peuvent se mettre 200 euros dans la poche, ils n’hésitent pas. Par conséquent ce système construit du black ». C’est pourquoi Mobilians-ESR a demandé à la DSR de généraliser le système de salariat de La Poste et de l’inscrire dans le cahier des charges. « Il faut sortir les autoentrepreneurs de ces marchés », martèle-t-il.Pour sa part, Bruno Garancher trouve « surprenant que la DSR ait accepté la mise en place de franchises pour l’ETG car le contrôle des franchisés est élastique ». À noter que dans le cadre cet article, La Tribune des Auto-Écoles a contacté DEKRA, le groupe SGS et Code N’Go (Bureau Veritas). Ces derniers n’ont pas donné suite. Seule La Poste a produit une réponse écrite affirmant être « très attentive au respect des règles anti-fraude fixées par les ministères de l’Intérieur et de la Mer. Les contrôles d’identité sont l’un des axes majeurs du dispositif de lutte contre la fraude ». La Poste affirme aussi effectuer des contrôles réguliers dans ses centres. « Tout manquement à la règle fait l’objet de sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’à la révocation de fonctionnaire ou au licenciement d’un salarié. » Néanmoins, pour « des raisons de confidentialité », La Poste n’a pas souhaité préciser à La Tribune des Auto-Écoles si de telles sanctions ont été prises, ni quel est le taux de fraude constaté au sein de ses centres.
Derrière la fraude à l’ETG, apparaît une autre problématique : celui de l’effondrement des connaissances théoriques. Ce qui impacte fortement l’apprentissage de la conduite, avec la nécessité pour les élèves de prendre plus d’heures de conduite.

Forte baisse des connaissances théoriques
Sandra Carasco, présidente de l’UNIC, observe que la baisse du niveau date de 2016. Année où la DSR a mis en place la nouvelle banque de questions lors de la privatisation de l’ETG. « À ce moment-là, les pouvoirs publics ont permis aux élèves d’obtenir le Code en bachotant chez eux. » Néanmoins, le « Code à la maison » a toujours existé. Tout d’abord avec les K7, puis les DVD et les logiciels mis à la disposition des élèves par les écoles de conduite. « Ces outils leur permettaient de se dégrossir », rappelle Sandra Carasco. « Mais ils venaient ensuite en salle pour suivre des cours et approfondir les règles de circulation. Les élèves ont besoin d’explications avec des schémas et des exemples. » La présidente de l’UNIC fonde quelques espoirs sur les nouvelles questions de l’ETG, présentées par la DSR en septembre 2023. « En attendant, nous faisons du Code en voiture. Ce qui augmente le nombre d’heures de formation, donc le prix du permis », rappelle Sandra Carasco.
Même constat pour Patrice Bessone : « Comme ils ne connaissent strictement rien au Code de la route, les élèves se retrouvent à payer leur permis entre 2 500 et 3 000 euros, là où ils auraient pu s’en sortir pour 1 700 euros ». Bruno Garancher s’inquiète également de la baisse du niveau des connaissances théoriques. Et de conclure : « Je ne voudrais pas que la DSR profite de la lutte contre la fraude pour oublier de reconnaître que si nous en sommes là, c’est parce qu’elle n’a pas règlementé suffisamment les règles de l’enseignement théorique ».

Christine Cabiron

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