Ce qui change avec le prélèvement à la source

01/12/2018 Économie/Entreprise
Économie/Entreprise Ce qui change avec le prélèvement  à la source

Après quelques annonces laissant augurer l’hésitation, voire l’inquiétude de Bercy, le 4 septembre 2018, le Premier ministre, Édouard Philippe, confirmait que la réforme du prélèvement à la source (PAS) entrerait bien en vigueur le 1er janvier 2019.

Annoncé depuis 2015 et voté sous la présidence Hollande, le prélèvement à la source (PAS) vient modifier le mode de collecte de l’impôt. L’objectif étant de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt. Mais qu’implique réellement cette réforme pour l’employeur et ses
salariés ?

L’employeur devient collecteur de l’impôt
Avec le PAS, l’employeur passe du statut de simple tiers déclarant à celui de collecteur. Pour leur permettre d’endosser cette nouvelle fonction, les entreprises employant du personnel salarié sont informées, via le système dit DSN (Déclaration Sociale Nominative) –qui est aujourd’hui l’unique système de communication des informations concernant la protection sociale des salariés existant entre les entreprises et l’administration–, du taux de prélèvement à appliquer pour chacun de leur salarié. Ce taux a été arrêté et communiqué aux termes de l’avis d’imposition édité au cours de l’été 2018. Les entreprises ne sont absolument pas tenues de vérifier la conformité du taux communiqué. Les textes sont en effet très clairs, la détermination du taux incombe à la seule administration fiscale. Dotée de cette information, les entreprises n’auront plus qu’à la répercuter sur les bulletins de salaire, et ceci, à titre informatif jusqu’au terme de l’année 2018 et de manière effective ensuite. Les nouveaux bulletins de salaire devront clairement faire apparaître le montant de l’impôt prélevé. À partir du 1er janvier 2019, ce montant sera à reverser par l’entreprise à la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Concrètement, chaque mois, l’entreprise transmettra, via la DSN, à l’administration fiscale, les informations sur le net fiscal du salarié et le montant de l’impôt prélevé. Cette somme devra être impérativement reversée à la DGFiP le mois suivant. À noter cependant que les entreprises de moins de 11 salariés ont la possibilité d’opter pour un reversement trimestriel.

Des sanctions financières prévues en cas d’erreur
L’employeur ne doit absolument pas manquer de déclarer et de reverser, aux échéances fixées, le montant prélevé au titre du PAS. À défaut, il encourt une sanction financière correspondant à 10 % du montant qui aurait dû être reversé. Et si par malheur, l’employeur se trompe dans le taux de prélèvement à appliquer, il lui en coutera 5 % du montant du PAS dû ; étant précisé que dans l’un ou l’autre cas, le montant minimum de l’amende à régler est de 250 euros par manquement. Ces sanctions pécuniaires non négligeables expliquent sans doute que la plupart des PME voit d’un mauvais œil la réforme, d’autant que celle-ci va générer des frais supplémentaires notamment d’expert-comptable en charge de la DSN et de l’établissement des fiches de paie. L’employeur n’est cependant pas tenu d’aller au-delà de son rôle de « collecteur reverseur ». Les spots largement diffusés via les médias grand public le rappellent, l’employeur n’a aucune obligation particulière d’information vis-à-vis de ses salariés dans le cadre de la mise en place du PAS. Pour tout renseignement, le salarié doit se rapprocher de son centre des Impôts ou contacter le 0811 368 368.

Un paiement immédiat pour le salarié
Comme son nom l’indique, le PAS va affecter la source même des revenus, donc la rémunération effectivement perçue. Au 1er janvier 2019, le salaire net payé sera moindre que les précédents puisqu’il sera allégé d’1/12ème du montant de l’impôt sur le revenu payé en 2018. Les ménages devront donc apprendre à adapter leurs dépenses mensuelles en fonction de ce nouveau système. L’impôt se paie désormais dès qu’un revenu est perçu et depuis le dit revenu. De plus, il faut savoir que le montant prélevé ne tient pas compte des crédits d’impôt alloués précédemment. Les charges déductibles (rénovations énergétiques, dons aux associations, frais de garde des enfants…) ne sont pas intégrées dans le calcul du PAS qui ne tient compte que du revenu perçu. Initialement, il était prévu que le fisc reverse ces crédits d’impôt après l’enregistrement de la déclaration d’impôt de 2019, c’est-à-dire à l’été 2019. Mais ce décalage qui rendait la charge de l’impôt plus lourde pour les ménages était difficilement acceptable dans un contexte économique tendu. Aussi, le 4 septembre 2018, le Premier ministre Édouard Philippe a finalement annoncé que 60 % du montant des crédits d’impôt alloués aux ménages en 2018 leur seraient reversés par le fisc dès janvier 2019 et le solde à l’été 2019.

Les salariés s’inquiètent d’un manque de confidentialité
Cet aménagement de dernière heure est loin d’avoir dissipé toutes les inquiétudes. Si 54 % des Français estiment que le PAS est une bonne réforme, 60 % des salariés demeurent réticents à voir leur employeur accéder à des données sensibles. Informé du taux de prélèvement appliqué à son salarié, l’employeur peut en effet en déduire le niveau de vie effectif de ce dernier et notamment l’existence de revenus fonciers ou d’une rémunération importante du conjoint. Pour protéger la vie privée du salarié, il est prescrit d’opter pour le paiement de l’impôt depuis un taux individualisé (en cas de disparité de revenus au sein du couple) ou un taux neutre qui correspond à celui d’un célibataire sans personne à charge. Cette option implique cependant des obligations nouvelles pour l’intéressé. Ainsi si l’application du taux neutre conduit à un prélèvement d’impôt insuffisant, par exemple du fait de revenus du patrimoine importants, le contribuable doit régler directement la différence auprès de la DGFiP. Il doit aussi déclarer chaque mois son revenu net imposable depuis son espace particulier d’impots.gouv.fr.
Attention, en cas d’oubli, une majoration de 10 % sera appliquée. Enfin si Bercy se veut rassurant en rappelant qu’en aucun cas le salarié ne pourra être mis à nouveau à contribution en cas de défaillance de reversement par son entreprise, la crainte sur ce point demeure et notamment pour les salariés des microentreprises.

Quid des indépendants ?
Les indépendants paieront leur impôt par acompte mensuel prélevé par l’administration fiscale. Le montant dû est déterminé depuis la déclaration des revenus de l’année 2017. À condition d’en faire la demande avant le 15 décembre 2018, il sera possible de payer les acomptes dus trimestriellement (le 15 février, 15 mai, 15 août et 15 novembre). En cas de forte variation de revenus au cours de l’année, les acomptes pourront enfin être actualisés. Pour ce faire, l’entrepreneur doit se rapprocher du service des impôts dont il dépend.

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