Seine-Saint-Denis : concurrence déloyale, le ras-le-bol des auto-écoles

01/05/2019 Réglementation
Réglementation Seine-Saint-Denis : concurrence déloyale, le ras-le-bol des auto-écoles

Depuis novembre 2018, la préfecture de Seine-Saint-Denis dit effectuer une fois par mois des opérations de contrôle des véhicules à double commande. Selon les syndicats auto-écoles, ces contrôles sont insuffisants pour lutter contre l’exercice illégal de la profession. Un phénomène qui se développe au vu et au su de tous.

La Seine-Saint-Denis serait-il un département où la pratique illégale de l’enseignement de la conduite a pignon sur rue ? C’est ce qu’affirment les responsables des syndicats CNPA-ER et UNIC. « Cela fait dix ans que je me bats contre ce phénomène quotidiennement », explique Louisa Mebarki, déléguée de l’UNIC dans le département de Seine-Saint-Denis où l’on compte 324 écoles de conduite agréées. « Il y a de plus en plus de structures de location de véhicules à double commande qui s’ouvrent sans posséder d’agrément. Elles utilisent des moniteurs certifiés qui se font payer au black ». Une situation inacceptable pour les gérants d’auto-école qui subissent de plein fouet ce phénomène. Car les conséquences de cette concurrence déloyale sont sans appels : une mise en péril des entreprises agréées dont « plusieurs ont baissé le rideau ».

Une liste des établissements hors-la-loi
Pourtant, ce n’est pas faute d’alerter régulièrement les services de l’État. L’UNIC dit leur avoir transmis une liste des établissements hors-la-loi. « Nous avons passé des semaines pour les lister. Nous n’avons aucun retour de l’administration », se désole Louisa Mebarki. D’où le sentiment de n’être entendu ni par le préfet, ni par le gouvernement. « Quand nous aboyons un peu plus fort, les services de l’État déclenchent un contrôle ». Reste à savoir si ceux-ci sont efficaces. Pour l’UNIC, ce n’est pas le cas. « Nous ne sommes pas informés des sanctions quand il y en a. Et la plupart du temps, il s’agit de rappels à l’ordre. Je n’appelle pas ça des contrôles ! ».

Tapinage
Un sentiment partagé par Alain Martin, secrétaire national du CNPA-ER. « Quelques amendes sont distribuées lors de ces contrôles ». Mais le représentant du CNPA-ER souhaiterait voir sanctionner celui qui dispense le cours de façon illégale et l’élève qui paie de la main à la main. « C’est du vol manifeste pour l’État et ce sont des pratiques qui créent de la concurrence déloyale pour les auto-écoles agréées qui paient leurs charges ». Pour le CNPA-ER, seul un durcissement des sanctions et une multiplication des contrôles pourraient enrayer ces pratiques qui se multiplient. « Désormais, elles s’effectuent à vue… Les gars viennent tapiner devant les auto-écoles et captent les élèves qui en sortent ». Résultat : une perte de clientèle estimée entre – 20 % et – 30 % selon Alain Martin.

Des sanctions peu dissuasives
« Nous avons le sentiment que le nombre de contrôles, d’amendes et de poursuites ne pèse rien par rapport au volume de personnes qui sont hors la loi », poursuit le représentant du CNPA-ER. Autrement dit : les sanctions ne sont pas dissuasives et laissent libre-court à ces pratiques illégales. « Nous sommes dans un département où l’État a peu de moyens et où la moindre faille, la moindre possibilité de truandage est exploitée », constate Alain Martin. Selon l’UNIC, cette manne souterraine se chiffre en plusieurs milliers d’euros. « Un moniteur qui travaille au black peut gagner entre 4 000 et 5 000 euros par mois. Par conséquent, il préfère être inscrit à Pôle emploi plutôt que d’être salarié d’une auto-école », regrette Louisa Mebarki.

Situation explosive
L’UNIC et le CNPA-ER ne cessent de tirer le signal d’alarme. Car la situation est explosive au regard du climat de tension qui en découle. « Un collègue s’est fait agresser en 2018 », rappelle Louisa Mebarki. « Il est allé voir un moniteur qui se faisait passer pour un accompagnateur et changeait d’élèves toutes les heures. Notre confrère a dû se réfugier dans une pharmacie. Ce n’est plus possible ». Le désespoir est d’autant plus profond que ces pratiques sont de notoriété publique. « Les services de l’État sont au courant de la situation explosive dans laquelle nous sommes », affirme Alain Martin. « Si les responsables d’écoles de conduite ne croient plus à la parole administrative, ni à celle des organisations professionnelles, c’est parce qu’il y a peu de retours ». Louisa Mebarki va plus loin : « nous sommes un département laissé à l’abandon où l’administration, elle-même, a démissionné ». 

Christine Cabiron

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