La publication des taux de réussite est-elle pertinente ?

01/06/2013 Formations/Examens
Formations/Examens La publication des taux de réussite est-elle pertinente ? Chaque année dans le Nord, la préfecture rend publics les taux de réussite des auto-écoles. Dans le Rhône, c’est un fichier confidentiel que la presse s’est procuré pour diffuser ces chiffres.

« Ce tableau est d’une inutilité incroyable. » Gérant de l’auto-école Chrono permis à Valenciennes, Jimmy Delestienne ne mâche pas ses mots. Comme chaque année, la préfecture du Nord a dévoilé, l’été dernier, les taux de réussite des auto-écoles. Et comme tous les ans, ces chiffres permettent des raccourcis un peu faciles. « Les chiffres en eux-mêmes ne sont pas parlants, soutient le gérant valenciennois. Surtout pour le grand public, qui va les prendre au pied de la lettre. » Dans le département du Rhône, c’est un fichier secret révélé par certains médias qui a filtré, dévoilant les taux de réussite des auto-écoles. « Le fichier est public de toute manière, simplement le nom des établissements n’apparaît pas. On voit seulement leur identifiant », fait remarquer Mohammed Benfrid, délégué de l’Unic pour le 69. Ces données, sorties de leur contexte, ont-elles vraiment un intérêt ? Quelques aspects auraient mérité d’être précisés.

Nombre d’inscrits
Premier problème, dans le Nord et en région lyonnaise, les tableaux relatent les taux pour toute l’année 2012. Or, pour une auto-école ouverte en fin d’année et qui n’a fait passer qu’une poignée d’examens, le taux de réussite n’est pas représentatif. « Certaines ont 100 % de réussite pour trois permis, c’est ridicule », déplore Jimmy Delestienne. A contrario, certaines auto-écoles peuvent avoir un zéro pointé, parce qu’aucun élève n’a eu le permis sur le peu qu’elles ont fait passer. De plus, un tel classement aurait tendance à défavoriser ceux qui font beaucoup de permis.

Deuxièmes passages
Si, dans le tableau récapitulatif dévoilé dans le Nord, les taux de réussite en deuxième passage sont indiqués, ce ne sont pas ceux que vont regarder les clients en premier. Or l’on sait que certaines auto-écoles « soignent » leur taux de réussite et mettent les élèves sur une voie de garage suite à un premier échec. « Moi j’accepte tous les dossiers. Un chou est un chou », précise Jimmy, à Valenciennes. À Vaulx-en-Velin, en banlieue lyonnaise où il a son auto-école, Mohammed Benfrid, veut croire que la plupart des auto-écoles font du bon travail. « Mais la qualité de l’apprentissage n’a pas de corrélation avec le taux de réussite », insiste-t-il. Le système a une sorte d’effet pervers : ceux qui font passer le permis à tout le monde, sans distinction ni tri, sont lésés dans le « classement » par taux de réussite…

Types de clientèle
Chaque auto-école a une clientèle qui lui est propre. À Lyon par exemple, une ville que Mohammed Benfrid connaît bien « les clients n’ont pas autant d’argent à mettre dans le permis au centre-ville ou en banlieue, comme par exemple à Vaulx-en-Velin ». En effet, des élèves aux moyens financiers limités vont avoir tendance aussi à vouloir restreindre… leur nombre d’heures de conduite ! « Et quitte à louper l’examen, ils préfèrent tenter le coup sans attendre les 40 ou 50 heures de conduite », note le syndicaliste.

D’autres chiffres plus intéressants ?
Jimmy et Mohammed, chacun dans son fief, le crient à l’unisson. « Si on dévoile ces chiffres, il faut le faire avec pédagogie. » Autre solution, encore meilleure selon eux et plus intéressante pour les auto-écoles : faire un comparatif des délais d’attente pour les places d’examen. « Là, il y aurait un vrai travail à faire », suggère Jimmy Delestienne. Concernant les taux de réussite, certaines auto-écoles choisissent de les afficher dans leurs locaux. On peut y voir un souci de « transparence » bienvenu alors que les auto-écoles inspirent surtout, à l’heure actuelle, de la défiance. Parmi ceux qui ont répondu à notre sondage, près des deux tiers admettent cependant ne pas placarder ces chiffres dans leur auto-école. Peut-être, justement, parce qu’ils ne veulent pas dire grand-chose.

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