Externalisation de l’ETG : Quel bilan un an après ?

01/09/2017 Formations/Examens
Formations/Examens Externalisation de l’ETG : Quel bilan un an après ?

Entrée en vigueur en juin 2016, l’externalisation de l’épreuve théorique générale a entraîné de nombreux changements pour les auto-écoles et les élèves. Premier bilan, un an après.

Le 13 juin 2016, les opérateurs privés La Poste et SGS lançaient leur offre ETG, modifiant dans les grandes lignes les conditions d’organisation de l’examen. Des agents privés assuraient l’encadrement de l’épreuve en lieu et place des inspecteurs, des tablettes numériques remplaçaient les traditionnels boîtiers électroniques et les horaires d’accueil étaient considérablement assouplis. L’État, amené à garder la main sur les examens spécialisés, s’était engagé à se retirer progressivement, pour une fermeture complète de ses sites à l’été 2017. Un an plus tard, près d’un million d’examens ont été organisés par des opérateurs privés dans les quelque 900 centres de La Poste et SGS, sans compter la cinquantaine de salles ouvertes par Bureau Veritas et Pearson Vue début avril. L’offre privée, avec cinq opérateurs déployés, est désormais supérieure à celle que proposait l’État avant la mise en place de l’externalisation, à travers ses 580 sites. En clair, les salles d’examen n’ont jamais été aussi nombreuses et la courbe devrait en toute logique poursuivre sa progression dans les mois à venir. Mais, si un meilleur maillage territorial est assuré, qu’en est-il de l’impact sur les élèves et sur la profession ?

Une baisse des délais d’attente
La mise en place de l’externalisation de l’examen théorique s’inscrit dans le cadre de la réforme du permis de conduire, dévoilée le 13 juin 2014 par Bernard Cazeneuve, alors ministre de l’Intérieur, après plusieurs mois de concertation menée au sein du groupe de travail Gilbert. Le but affiché était d’entraîner une réduction des délais d’attente entre deux passages à l’examen pratique – notamment en désengageant les inspecteurs de l’encadrement de l’examen théorique pour les recentrer sur le permis B –, et, par ricochet, de réduire la facture pour les candidats. À ce niveau, la stratégie s’est avérée payante. Les délais d’attente ont nettement reculé, passant de 90 jours en 2014 à 63 jours fin 2016, bien que des nœuds perdurent en région parisienne (voir le n°212 de La Tribune des Auto-Écoles). Conséquences, en suivant le raisonnement du gouvernement, l’accès au permis aurait été facilité, chaque mois de délai gagné représentant environ 200 euros d’économie pour les candidats, écrivait le ministère de l’Intérieur dans le document de présentation de la réforme.

« Plus de souplesse »
L’externalisation, en ouvrant le marché à la concurrence, a également bousculé l’accès à l’examen. « Avant, l’offre était conditionnée aux disponibilités des inspecteurs et au nombre de places attribuées aux auto-écoles. Avec la privatisation, nous sommes passés d’une offre fermée à un marché libre. Les candidats peuvent se présenter à l’examen où ils veulent et quand ils veulent, dans un centre collectif ou dans un centre individuel. Les auto-écoles ont également plus de souplesse pour effectuer les réservations et pour les modifier », explique Myriam Le Moigne, responsable du projet Code de la route à La Poste.

Modernisation de l’épreuve
Soulignant également « la souplesse » offerte par les centres privés, Roselyne Defer, directrice de programme chez SGS France, estime que l’externalisation « a amené un progrès. Le processus d’inscription a été simplifié pour les établissements de la conduite et les candidats ont davantage de liberté. Ils dépendent moins des auto-écoles dans leurs démarches ». La réforme a également permis de moderniser l’épreuve, avec l’arrivée de la tablette numérique – et des ordinateurs dans les centres de Pearson Vue. « La tablette s’inscrit comme une réponse aux usages de la population des centres d’examen. »

Une baisse d’activité pour les auto-écoles ?
Du côté des enseignants de la conduite, en revanche, le tableau est plus contrasté. Bien qu’ils reconnaissent que l’externalisation confère plus de flexibilité, ils déplorent toutefois les effets indirects qu’elle génère sur leur activité. La principale raison ? La possibilité pour les élèves de s’inscrire de leur propre chef, tout en se formant sur le Web. « On enregistre beaucoup moins d’inscriptions pour la partie théorique, constate Marie Recuero, responsable de l’auto-école Bokreno, qui dispose de deux locaux à Orléans et à La Ferté-Saint-Aubin, dans le Loiret. La fréquentation des cours de Code a chuté de 20%. Résultat, nous avons décidé de ne pas remplacer un enseignant sur le départ. » Même constat à l’auto-école CFR, à Colombes, dans les Hauts-de-Seine. Pour son responsable, Marc-Antoine de Beaumont, « le retour n’est pas intéressant en termes d’inscriptions. On a la sensation que l’auto-école est abandonnée au profit de l’apprentissage en ligne. De plus en plus, les élèves viennent uniquement pour la conduite. Et souvent ils manquent de connaissances, notamment sur la signalétique. Nous devons prendre plus de temps pendant la pratique pour rappeler certaines règles, ce qui peut rallonger la formation. Dans ces cas-là, l’élève ne fait pas d’économie, contrairement à ce que pensait le ministère de l’Intérieur. »

Les auto-écoles « doivent garder la main »
Pour les auto-écoles, l’impact financier peut laisser des traces. À la fois du fait de la baisse des inscriptions, mais aussi en raison des frais d’accompagnement qui leur échappent lorsqu’elles font le choix de laisser leurs élèves se rendre à l’examen par leurs propres moyens. Une situation qui varie selon l’implantation des établissements et leur fonctionnement. « Le problème, juge Patrick Mirouse, président de l’UNIDEC, c’est que le modèle économique des auto-écoles est basé sur des frais annexes. Lorsqu’ils disparaissent, leur équilibre peut être menacé. » Pour Philippe Colombani, président de l’UNIC, cette problématique renvoie au coût de l’heure de conduite. « Le prix plancher devrait être fixé à 70 euros, pour éviter de dépendre des frais annexes. » En filigrane, se pose la question de la place des auto-écoles dans le dispositif de l’externalisation, alors que cette mesure a simplifié les démarches de présentation pour les candidats libres. Patrice Bessone, président de la branche éducation routière du CNPA, est formel : « Il y a encore trop d’écoles de conduite qui n’inscrivent pas les élèves à l’examen sous leur bannière. Elles doivent garder la main sur la procédure. » En revanche, il assure que l’augmentation du nombre de candidats libres, même si elle existe, a été contenue. « Ils doivent représenter entre 5 et 10% du nombre total d’élèves à se présenter. » À ce sujet, Myriam Le Moigne précise qu’il est difficile d’apporter des chiffres concrets. « Ce n’est pas parce qu’ils apparaissent comme candidats libres, qu’ils sont exclus d’une formation. »

Taux de réussite en hausse
L’inquiétude des organisations professionnelles, qui se montrent peu critiques quant au principe même d’externalisation de l’ETG, porte davantage sur les taux de réussite. Même s’ils ont chuté de manière spectaculaire lorsque les nouvelles questions ont été introduites, en marge de l’entrée en vigueur de l’externalisation, ils seraient désormais supérieurs à ceux enregistrés avant le mois de mai 2016. Ce qui laisse penser que les exigences sont plus souples, sous-entend Patrick Mirouse. « Nous avons une véritable interrogation à ce sujet. Il faut s’assurer que ces résultats correspondent à quelque chose. » Pour Philippe Colombani, « le niveau de l’examen a été abaissé. Il ne faudrait pas laisser croire que les candidats n’ont plus besoin des auto-écoles pour préparer l’examen. C’est le niveau de l’épreuve qui favorisera le retour des élèves dans les salles de Code. S’il est suffisamment élevé, alors la réglementation aura peu d’importance. » Une condition, donc, pour permettre aux auto-écoles freinées par le déploiement de l’externalisation de reprendre leur marche en avant.

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