Accident de conduite en auto-école : qui est responsable ?

01/12/2018 Réglementation
Réglementation Accident de conduite en auto-école :  qui est responsable ?

Les écoles de conduite ont l’obligation de souscrire une assurance professionnelle. Mais cette couverture est-elle satisfaisante ? Couvre-t-elle toutes les situations en cas d’accident lors d’une leçon de conduite ou d’un examen pratique ? Réponses.

L’arrêté du 8 janvier 2001 dans sa version modifiée au 14 octobre 2016 impose aux établissements d’enseignement de la conduite de justifier pour chaque véhicule d’une assurance en responsabilité civile couvrant les dommages causés aux tiers. En effet, l’apprentissage de la conduite et l’obtention du précieux sésame qu’est le permis de conduire, mobilisent divers protagonistes et engins. Que ce soit à bord d’une voiture ou à la manœuvre d’un deux-roues, l’élève, le moniteur et l’inspecteur ne sont malheureusement pas à l’abri d’un accident. Qui est alors responsable et quel rôle joue l’assurance obligatoire ?

Le cas d’un accident en leçon de conduite automobile
La réponse est donnée par l’article L.211-1 du Code des assurances qui dispose que : « les élèves d’un établissement d’enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur agréé, en cours de formation ou d’examen, sont considérés comme des tiers ». Ainsi, l’élève ne pourra pas être tenu responsable en cas d’accident. Mais en plus, il devra être indemnisé du dommage qu’il pourrait alors avoir subi. En résumé et ainsi que l’expose Dominique Vigneron, directeur général de Master, « l’élève, bien qu’au volant du véhicule auto-école est considéré comme un passager ». Cette situation qui peut sembler étrange de prime abord, s’explique par la présence de l’enseignant aux côtés de l’élève dans le véhicule auto-école. En effet, durant la leçon, l’élève est placé sous la supervision du moniteur qui peut intervenir à tout moment sur la conduite grâce au système des doubles commandes. Seul maître à bord, l’enseignant est également considéré par les tribunaux comme le seul conducteur du véhicule-école. En d’autres termes, l’apprenti conducteur au volant est un tiers irresponsable. Pour l’enseignant en revanche, la responsabilité est double. Sur le plan civil, il devra indemniser l’élève de ses dommages. S’il est salarié, c’est à son employeur qu’incombera cette charge. L’enseignant est aussi pénalement responsable des infractions commises par l’élève pendant la leçon de conduite. En cas d’excès de vitesse, c’est donc le moniteur qui devra payer l’amende. L’élève n’ayant pas le permis, ce sont également les points de l’enseignant qui seront débités. Une hypothèse est cependant à réserver : le cas où l’élève prend le volant alors qu’il est sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants. L’élève contrôlé positif encourt une interdiction de passer le permis pendant plusieurs années. Il n’en demeure pas moins que « le moniteur est le conducteur du véhicule », précise Jean-François Gérard, directeur de Filhet-Allard. De sorte que sa responsabilité risque d’être engagée. Force est en effet de constater que le Code des assurances ne fait aucune distinction. Quant à la jurisprudence, elle reste, pour le moment, relativement discrète sur cette question. C’est pourquoi l’enseignant se doit d’être particulièrement vigilant aux signes avant-coureurs d’une telle situation, afin d’interrompre au plus vite la leçon. À cet égard, certains établissements d’enseignement de la conduite vont même jusqu’à prévoir dans leur règlement intérieur l’acceptation par anticipation de l’élève de se soumettre au dépistage.

Le cas d’un accident le jour de l’examen pratique auto
La situation du candidat passant l’examen du permis de conduire est comparable à celle de l’élève lors d’une leçon de conduite. Il est considéré comme un tiers et ne peut être tenu civilement responsable en cas d’accident (cf article L.211-1 du Code des assurances). La variante dans cette hypothèse tient à la présence de l’inspecteur dans le véhicule de l’auto-école. En effet, le jour de l’examen, l’enseignant s’installe à l’arrière tandis que l’inspecteur prend place à l’avant du véhicule-école. Dès lors, on pourrait penser que la responsabilité de l’inspecteur installé à côté du candidat à l’avant du véhicule se substitue à celle du moniteur relégué au rang de simple observateur. Toutefois, il n’en est rien. Contrairement au moniteur, l’inspecteur du permis de conduire ne prend place à bord du véhicule que dans le seul but d’évaluer la conduite du candidat. En cas d’accident le jour du permis, c’est donc encore l’enseignant qui verra sa responsabilité engagée. La solution semble néanmoins différente sur le plan pénal. Dans ce cas de figure, plusieurs réponses ministérielles sont venues préciser que le candidat, même s’il n’est pas titulaire du permis de conduire, est considéré comme un conducteur pénalement responsable. Le candidat est en effet le seul à disposer des commandes nécessaires à la conduite du véhicule à la différence de l’inspecteur qui n’a qu’un accès limité aux pédales. La responsabilité de l’inspecteur pourra néanmoins être retenue s’il apparaît que ce dernier a joué un rôle causal dans l’accident, par exemple, en cas d’imprudence ou de négligence. Les tribunaux ont ainsi considéré comme responsable l’inspecteur ayant donné l’ordre intempestif à une candidate de tourner à droite sans réaliser que la vitesse du véhicule était trop élevée pour permettre cette manœuvre.


Le cas de l’accident lors d’une leçon de conduite moto
Voiture, moto… le Code des assurances ne distingue pas entre les différents types de véhicules à moteur. L’apprenti motard est donc, au même titre que l’apprenti conducteur d’un véhicule à quatre roues, considéré comme un tiers sur le plan de la responsabilité civile. En pratique, si l’élève motard cause un dommage à un tiers lors d’une leçon de conduite il sera couvert par l’assurance automobile de l’auto-école. La situation est autre lorsque l’apprenti motard subit lui-même un dommage et se blesse à l’occasion d’une leçon de conduite, le cas le plus fréquent étant celui d’une chute sur le circuit d’entraînement. En effet, à la différence du véhicule d’auto-école, la moto-école n’est pas équipée d’un dispositif de doubles commandes. L’enseignant n’est donc pas à même d’exercer un véritable contrôle sur le véhicule piloté par l’élève et de prévenir les risques de chute. Sur ce plan, la situation de l’élève semble assimilable à celle d’un conducteur. Or l’assurance obligatoire de responsabilité civile, si elle couvre les dommages causés aux tiers, ne s’applique pas aux dommages subis par le conducteur (cf article R.211-8 du Code des assurances). Pour cette raison, une couverture spécifique est nécessaire. Car à défaut, « l’élève n’est pas garanti pour ses propres dommages », explique Dominique Vigneron. Certaines écoles de conduite comme chez ECF, incluent cette couverture directement dans leurs contrats élèves. Dans certains cas, la responsabilité de l’établissement d’enseignement de la conduite pourra néanmoins être engagée. Une décision récente de la Cour de cassation a ainsi retenu la responsabilité de la moto-école pour manquement à son obligation de sécurité. Dans cette affaire, l’élève avait été victime d’une chute après avoir signalé à deux reprises à l’enseignant qu’il souffrait d’engourdissement. Celui-ci avait néanmoins maintenu la leçon. Les cas où la responsabilité de la moto-école a pu être retenue demeurent cependant isolés.

Le cas d’un accident le jour de l’examen pratique moto
Il n’existe à l’heure actuelle que peu de jurisprudence en la matière. Toutefois et par analogie avec l’examen pratique B, il semble que la responsabilité de l’inspecteur ne puisse être engagée à moins de démontrer une imprudence ou une négligence de ce dernier. En effet, on voit mal comment l’inspecteur pourrait se voir imputer une quelconque responsabilité dans un accident sans aucune maîtrise du véhicule impliqué. En matière d’apprentissage de la conduite, il semble donc que la responsabilité est en définitive inversement proportionnelle au nombre de roues. Moins le véhicule a de roues, plus le candidat peut être tenu responsable…

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